Tséwa

Quand notre cœur est chaleureux, quand il est plein de tendresse et d’affection pour les autres, il devient la source du bonheur le plus pur et le plus profond qui soit, et nous permet de faire rayonner ce bonheur autour de nous. Ce potentiel du bonheur est là, en nous. Ce n’est pas une chose extérieure qu’il nous faudrait trouver au prix de grands efforts. Il n’est pas nécessaire d’obtenir un diplôme universitaire, de travailler dur et d’économiser beaucoup d’argent pour l’acheter, ni d’avoir des opportunités en or ou une chance incroyable. Il nous faut juste ce cœur, qui est là, en nous, accessible à tout moment.

Cela peut paraître trop simple – voire simpliste. Si le bonheur est si près de nous, alors pourquoi sommes-nous si nombreux à être malheureux ? Et même si nous vivons des moments de bonheur, pourquoi celui-ci est-il aussi peu fiable et aussi difficile à préserver ? Parce que, si ce cœur nous est certes inné, son rayonnement nous est le plus souvent caché. L’Uttaratantra Shastra, un texte bouddhiste classique qui décrit la nature ultime, éveillée de tous les êtres, propose cet exemple : nous sommes tous comme ce mendiant affamé qui ignore qu’un immense trésor est enterré sous son lit. Notre cœur chaleureux est ce trésor caché, mais faute de sagesse et de moyens habiles pour le reconnaître, l’apprécier et maîtriser sa force, nous n’en profitons pas.

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Le terme français qui exprime au mieux cette expérience est sans doute amour. Mais ce mot s’accompagne de toutes sortes d’idées et d’attentes, qui varient d’une personne à l’autre. Chacun de nous l’interprète à sa manière. C’est la même chose pour d’autres termes, tels que chaleur, affection ou tendresse. Ces mots peuvent nous orienter dans la bonne direction, mais si nous n’y prenons pas garde, ils peuvent aussi nous éloigner de l’essence de cette expérience fondamentale et viscérale qui est au-delà des concepts humains. En nous attachant à notre propre interprétation d’un mot, nous avons tendance à ajouter tellement de couches que l’expérience elle-même se perd.

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En tibétain, ma langue maternelle, on emploie le terme tséwa.

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J’aimerais affirmer haut et fort les immenses bienfaits du tséwa, ainsi que l’importance, pour vous-même et les autres, de garder un cœur ouvert. Le cœur tendre et ouvert du tséwa est une ressource infiniment malléable. Intérieurement, il prend la forme de la bonté, de la compassion, de la réjouissance, de la générosité, de la tolérance, de la clarté mentale, du courage, de la résilience, d’une bonne humeur inébranlable et de bien d’autres qualités. Il se manifeste également à l’extérieur dans nos actes positifs. Tout ce que nous faisons pour le bien des autres ou pour ouvrir plus grand notre cœur vient de cette qualité fondamentale. Ainsi, le tséwa est la véritable source de tout bien dans ce monde.

Dzigar Kongtrül dans La Tendresse en partage. Enseignements bouddhistes sur le tséwa : ouvrir son coeur et changer le monde

Une pièce musicale de Eric Aron – Jati