Livre-devenir

Les confucéens privilégient la maîtrise de soi et le retour à la justesse, les bouddhistes mettent l’accent sur la réduction des dix mille phénomènes en pure vacuité, et les taoïstes considèrent comme chose essentielle l’affinement fondateur du moi. Les sages de ces trois religions centrent leur enseignement sur l’affranchissement de la colère et de la cupidité.

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« La distance qui sépare les êtres humains des animaux, disait Mencius, est infime. Les hommes ordinaires la comblent, les hommes accomplis l’agrandissent. » Celui qui préserve sa connaissance et son aptitude est un homme accompli ; celui qui les perd est un homme ordinaire.

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Il ne s’agit pas d’étouffer sa propre lumière, mais d’être imperceptible aux yeux du monde tout en s’affranchissant de sa propre obscurité – au-dedans la lumière, au-dehors les ténèbres. L’homme est alors en mesure de distinguer le sage du fou, la santé de l’aberration. Toutefois, bien qu’il s’harmonise avec les autres, il ne subit pas leur influence, et même s’il s’associe à des groupes, il n’entretient aucun esprit de clan. Son mode d’action – activité ou passivité, présence ou absence – échappe à la perception d’autrui ; il est semblable au soleil, brillant lorsqu’il s’élève, mais brûlant en secret lorsqu’il se couche. Tel est le sens de l’adage : « Un véritable ermite peut fort bien vivre dans le monde. »

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Le don doit s’accorder avec les préférences, la recherche exige l’harmonie. La seule différence réside ici entre l’harmonie extérieure et l’harmonie intérieure. Pas la première, l’homme approche les autres et gagne leur confiance, en s’appuyant sur les apparences pour cultiver la réalité. Par la seconde, il s’observe lui-même et développe sa dimension spirituelle, en s’appuyant sur la réalité pour transformer les apparences.

Approcher les autres avec des égards, c’est donner ; s’observer avec vigilance, c’est trouver. La joie d’autrui engendre celle du moi. Qui donne finit par trouver. C’est pourquoi l’harmonie est une voie maîtresse.

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Le Yi King est un livre-devenir.

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Livre d’un présent continu, qui met au jour l’ossature du temps.

Lieou Yi Ming (Liu Yiming) est un maître taoïste du XVIIIe siècle. Thomas Cleary (1949) est docteur en langues et civilisations extrême-orientales. Il est spécialiste des philosophies et des religions d’Extrême-Orient et traducteur de textes bouddhistes et taoïstes. Le Yi King est le plus ancien traité divinatoire de l’humanité, le grand livre de la sagesse chinoise depuis deux millénaires, accompagné d’un guide de consultation. Parce qu’il associe l’homme à la formation de son destin, le Yi King est à la fois livre de sagesse et recueil divinatoire.

Thomas Cleary et Yi-Ming Lieou dans Yi King

Une pièce musicale de Natobi & Wa Kan – Yi King Garden