100 ans

Je ne crois pas à un effondrement généralisé des civilisations mais plutôt à divers effondrements et à des catastrophes multiples. Je crois à la possibilité conjointe d’un avenir technoscientifique prodigieux et d’un désastre humain généralisé. Il est déjà préfiguré : des vaisseaux spatiaux s’envolent vers d’autres planètes, le télescope spatial HUBBLE observe des objets à 11 milliards d’années-lumière. En même temps, la masse de l’humanité subit l’exploitation, la domination, l’humiliation et pourrait subir le néototalitarisme. L’homme augmenté devenu surhumain se ferait au détriment de l’homme amélioré par la lucidité, la bienveillance et la bonté.

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Je crois qu’à chaque fois où apparaît dans notre vie ce symbole des décimales, cela ne peut manquer de produire un trouble. Souvenez-vous de vos 20 ou de vos 40 ans, c’était une étape un peu spéciale, non ? Alors, imaginez 100 ans ! Pourquoi éprouvons-nous ce trouble face à un chiffre ? C’est que le zéro représente en même temps un néant et un œuf. Il condense l’idée même d’anniversaire. Qu’est-ce qu’un anniversaire ? C’est une mort-renaissance : on fête la mort de l’année passée pour faire renaître l’année suivante. Mais, quand on arrive à 100 ans, la renaissance est quasi invisible. On voit surtout l’autre face, celle du terme de la vie. 100 ans, ce n’est pas un chiffre normal, c’est un chiffre fatal !

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C’est à force de rajeunir que l’on crève… À 100 ans, et dans l’état d’esprit de curiosité juvénile où je reste, je ressens à la fois rajeunissement et vieillissement.

Edgar MORIN dans 100 ans, ce n’est pas un chiffre normal, Philosophie magazine n151

Une pièce musicale de CHOPIN Joie De Vivre

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