Le métier d’homme

Ne croyez pas que celui qui essaie de vous réconforter vive sans effort parmi les mots simples et sereins qui parfois vous font du bien. Sa vie connait tant de peines et de tristesses qui le laissent loin derrière elles. S’il en allait autrement, il n’aurait jamais pu trouver ces mots-là.

*

Je ne pense pas que l’on doive se blinder contre le regard qui brise parce que ce serait fermer la porte au regard qui aime, qui épanouit. Je consens à rester vulnérable pour ne pas anesthésier ma sensibilité.

*

Devenir léger, c’est accepter humblement le sort après avoir tout tenté pour éradiquer son ombre, affirmer une résistance là où priment la révolte et la colère, c’est refuser que la rage ou la haine viennent aliéner la liberté. Être léger, c’est donc recourir de force à la joie contre ce qui aigrit, contre ce qui isole, épauler celui qui souffre pour qu’il ne se claquemure pas dans son mal-être.

*

Connaître l’éventuelle utilité de son mal, ne soulage guère le malade. Savoir pourquoi la souffrance existe n’adoucit ni les peines du moribond, ni les plaies de l’enfant battu, abandonné.

Même théoriquement élucidé, le problème du mal resterait un drame existentiel.

Le tragique est là, moi aussi !

En me protégeant à l’excès des regards qui condamnent et humilient, je finis par fermer aussi les yeux qui aiment

*

L’épreuve du regard n’est pas toujours aisément vécue ; trop fréquemment elle représente même un drame, et s’en libérer demeure peut-être l’apprentissage le plus délicat.

Non, les hommes ne sont pas encore tous égaux aux yeux de la société, car certains discours persistent à installer le pauvre, le handicapé, le malade au rang des malheureux.

L’expérience de la mort, celle de la souffrance physique et psychologique, est d’une solitude infinie.

Alexandre Jollien dans Le métier d’homme : Suivi de La pratique spirituelle 

Une pièce musicale de Jordi Savall – Invocation

Laisser un commentaire