
Vous ne pouvez traverser la mer en restant debout à regarder l’eau.
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Quelle est la vérité de ce monde ?
Elle n’est pas dans les masses de substance, ni dans le nombre des choses, mais dans leurs rapports qu’on ne peut compter, mesurer, rendre abstraits.
Elle n’est pas dans la matière sous ses formes multiples, mais dans l’expression qui est une.
Toute notre connaissance des choses consiste à les situer dans leurs rapports avec l’Univers, dans cette affinité qui est la vérité.
Une goutte d’eau n’est pas un assemblage particulier d’éléments, c’est un miracle de réciprocité harmonieuse, dans lequel les deux ensembles révèlent l’Unité.
Aucune analyse ne saurait dévoiler ce mystère d’unité.
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Je me rappelle qu’étant enfant, une rangée de cocotiers le long du mur de notre jardin, avec les branches qui semblaient faire signe au soleil se levant à l’horizon, me donnait l’impression d’une compagnie aussi vivante que moi-même. Je sais que c’était mon imagination qui transposait le monde alentour dans mon propre monde – cette imagination qui cherche l’unité, qui traite avec elle. Cependant, nous devons admettre que cette compagnie était réelle : que l’univers dans lequel je suis né avait en lui un élément proche parent de mon propre esprit imaginatif et qui éveille dans toute nature enfantine le Créateur, celui qui prend plaisir à entrelacer dans la trame de la création ses propres dessins aux fils multicolores. C’est quelque chose qui nous ressemble et par conséquent s’harmonise avec notre imagination. Lorsque nous découvrons en nous des cordes qui vibrent à l’unisson avec autrui, nous savons que cette sympathie porte en elle une réalité éternelle. Le fait que le monde excite notre imagination et la prédispose à la sympathie nous enseigne que cette imagination créatrice est une vérité qui nous est commune, aussi bien qu’à tout ce qui existe.
Rabindranath Tagore dans La religion du poète
Une pièce musicale de Anoushka Shankar e Patricia Kopatchinskaja – Raga Piloo