À notre insu

Le meilleur de nous arrive toujours à notre insu.

*

Les femmes viennent du plus lointain de la vie des hommes.

Elles sortent de l’enfance des hommes, on dit qu’elles gouvernent cette enfance mais ce n’est pas vrai.

Il suffit de regarder dans les jardins publics, les mères avec leurs enfants:

« Elles ne gouvernent pas. Elles veillent.

Elles veillent sur l’incendie naissant d’enfance, elles aident le feu de vie à prendre. »

Plus tard, beaucoup plus tard, elles regardent ceux qu’elles ont fait rois et qui ne savent plus leur parler.

Les hommes, ce sont les devinettes qui les rassurent – devinettes du pouvoir, de la force. Devant les femmes ils disent :

Je ne devine rien, c’est un mystère.

Ce qu’ils appellent mystère, c’est la simplicité des femmes et c’est leur solitude, cette force de solitude en elles, en chacune d’elles, cette manière qu’elles ont de tenir leurs enfants, leurs maris, leurs amants, le bleu du ciel et l’ordinaire des jours à bout de bras.

Les femmes sont seules au début, au milieu et à la fin de leur vie.

Elles reçoivent de cette solitude le sacre d’intelligence.

*

Ce qui est mystérieux, ce n’est pas ce que nous faisons, c’est ce que nous nous abstenons de faire — cette vie immobile dont notre vie agissante n’est que l’escorte un peu bruyante.

Christian Bobin dans Donne-moi quelque chose qui ne meurt pas

Une pièce musicale de Khatia Buniatishvili – Schubert: Impromptu No. 3 in G-Flat Major, Op. 90, D. 899

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