
Notre vision dualiste, parfaitement illusoire mais cependant inscrite nativement dans l’esprit, effectue une séparation dans les choses et phénomènes, les divisant en sujet et objet, nous rivant inconsciemment en permanence à ce mode de vision dualiste. Il faut donc nous exercer à réaliser un certain dépassement de ce mode erroné, pour que cessent de nous tromper les épaisses fumées conceptuelles. Ainsi, ajoute Asanga, « si l’on regarde la notion de sujet sans la séparer de celle de l’objet, on arrive alors à la quiddité de la chose dans l’ordre tant du moi que du non-moi, puisqu’il n’y a plus perception des deux comme faisant deux » (M.S.A., XI, 5). Se dissipe alors, comme un fragile mirage, la dualité phénoménale, dualité qui n’existe, rappelons-le, que dans la pensée, et peut enfin apparaître l’exacte réalité et la pure vérité de ce que sont les choses en elles-mêmes. La dualité est de nature psychique, elle provient de l’esprit qui fabrique et se construit une double réalité, une réalité qui se présente toujours sous la forme du sujet et de l’objet (vijnaptimâtra), une vision totalement faussée de ce que sont véritablement les choses. De la sorte les phénomènes, ni ne possèdent une double nature comme il vient d’être démontré, ni ne possèdent, plus radicalement, de nature du tout.
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Pour Asanga et Vasubandhu… l’unique fondement de la réalité, pour eux, n’est autre que la pure pensée ; la pure pensée dégagée, libérée des contradictions antagonistes, purifiée du dédoublement trompeur produit par la fausse connaissance, la pensée en tant qu’idée pure, c’est-à-dire sans objet pensé et sans sujet pensant, étrangère ou précédant l’individualité et le moi personnel, aussi bien d’ailleurs que le non-moi, bien que les incluant tous nativement en potentialité. En ce sens, la seule vérité qualifiant l’existence et la non-existence, située à la source originelle de l’être et du non-être, est la pure pensée indifférenciée, la pensée germe, la conscience inconsciente contenant tout, bien que vide de tout, qu’Asanga nommera âlaya-vijnâna, que l’on peut traduire par « conscience réceptacle », « conscience de tréfonds », « conscience héréditaire » ou encore « conscience germe ».
C’est cette conscience de tréfonds qui est l’origine impersonnelle renfermant la totalité des expériences parcellaires et fragmentaires, ainsi que l’ensemble des phénomènes psychiques, identique à l’Ainsité (tathatâ), non différente de la Suprême Réalité.
Jean-Marc Vivenza dans Tout est conscience : Une voie d’éveil bouddhiste
Une pièce musicale de Jesse Cook | Breathing Below Surface

l’ainsité
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Tellement beau ! Le pur Bonheur.
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