Sagesse et amour

C’est dans l’expiration et le relâchement que se réalise la tentative de devenir toujours plus un avec notre profondeur, la profondeur essentielle dans le rythme de la respiration, dans l’expiration et dans l’inspiration, qui vient de soi, qui est le don d’une expiration adéquate. Lâcher prise et prêter l’oreille à sa propre profondeur.

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La respiration est davantage qu’une alimentation de l’homme en oxygène. Elle est le mouvement vital absolu, non pas seulement sur le plan corporel, mais aussi sur le plan spirituel et celui de l’âme, sur lequel l’homme peut se donner par l’expiration, et se recueillir par l’inspiration… se laisser aller – loin de moi ; se laisser choir – vers toi ; se laisser devenir un – tout en toi ; se laisser devenir nouveau – nouveau à partir de toi.

C’est ici que la prise de souffle, en tant qu’inspiration, prend son sens spirituel. On ne peut pas faire une inspiration, on la reçoit. Nous recevons un cadeau, pour peu que nous ayons su nous donner adéquatement et complètement.

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Dans l’exercice, nous cherchons à devenir perméables à notre essence. Cet exercice comporte deux phases : celle du relâchement, du lâcher-prise, du renoncement à tout ce qui entrave cette perméabilité, et celle de l’accès à une attitude de disponibilité, grâce à laquelle notre essence peut pénétrer notre être intérieur.

Dans la respiration, cela signifie tout d’abord la réalisation de l’expiration selon les trois phases du relâchement, du laisser-aller vers le bas, du devenir un, puis laisser advenir l’inspiration, qui est un don de l’expiration juste – de l’ouverture tout simplement.

Le fait de s’ouvrir désigne l’attitude de disponibilité dans laquelle l’essence peut venir à nous.

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Dans la pratique du za-zen, nous recherchons également l’expérience intérieur de la lumière. Le but de tout travail initiatique est la voie vers l’illumination, et celle-ci, parcourue jusqu’à la transcendance, apparaît comme la voie illuminée.

Le point décisif dans le travail sur cette voie est que l’expérience de la lumière est liée à l’expérimentation antérieur de l’obscurité. La vraie lumière luit dans les ténèbres.

Voici ce que cela implique pour l’exercice : c’est une impasse que de tenter de se transporter, en quelque sorte par un bond, dans un monde de lumière, de s’imaginer un état lumineux et de vouloir déjouer à partir de là l’obscurité. Les choses ne se passent pas ainsi.

Sur cette voie, le blanc additionné au blanc donne du noir. Seul le blanc qui a intégré le noir reste du blanc. L’obscur doit tout d’abord être admis, regardé et supporté. Ce n’est qu’en supportant, en acceptant l’obscur que l’homme peut trouver la lumière, celle qui est à même d’intégrer l’obscur.

Ne nous détournons donc pas lorsque, dans l’exercice, l’obscur se manifeste en nous, mais tournons-nous vers lui avec amour : il est une part de la lumière, qui est par-delà la lumière et l’obscurité.

Karlfried Graf Dürckheim (1896-1988), « le vieux sage de la Forêt-Noire », comme se plaisait à l’appeler Marc de Smedt. Il y a créé un centre de retraites de « thérapie initiatique » qui compose méditation, travail du corps, psychologie des profondeurs et expression artistique. Dernier livre de Karlfried Graf Dürckheim, publié à titre posthume, Sagesse et Amour contient de brèves incitations à la méditation, sur le modèle de celles que le maître proposait à ses compagnons pour la méditation du matin. Ces textes condensent en un exposé à la fois profond et poétique les nombreux thèmes de méditation abordés par Dürckheim au cours de ses travaux. Les réflexions sur l’humeur, les considérations sur le silence ou sur l’angoisse montrent en effet au lecteur comment entrer dans la méditation et comment la répéter. Dès lors, il devient aisé d’accéder à son propre centre et, de là, d’aborder les questions fondamentales de l’existence humaine.

Karlfried Graf Dürckeim dans Sagesse et amour

Une pièce musicale de CRi – I Can Make It

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