
Il est souvent tragique de voir à quel point d’évidence un homme gâche sa propre vie et celle des autres sans pouvoir, pour rien au monde, discerner dans quelle mesure toute la tragédie vient de lui-même et se trouve sans cesse alimentée et entretenue par lui-même. Sans doute sa conscience n’y est-elle pour rien, car elle se lamente et maudit un monde perfide qui se retire à une distance de plus en plus lointaine. C’est bien davantage un facteur inconscient qui tisse en lui les illusions voilant le monde et le voilant lui-même. Et l’ouvrage tend vers la forme d’un cocon dans lequel le sujet est finalement enfermé.
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Je ne donne à ce concept [de libre-arbitre] aucun sens philosophique, mais j’entends par là le fait psychologique bien connu de ce qu’on nomme « libre décision », c’est-à-dire le sentiment subjectif de la liberté. Mais, tout comme notre libre arbitre se heurte aux nécessités de l’environnement, il trouve ses limites au-delà du champ de conscience dans le monde intérieur subjectif, c’est-à-dire là où il entre en conflit avec les faits du Soi. De même que les circonstances extérieures nous heurtent et nous limitent, le Soi se comporte à l’égard du moi comme une donnée objective à laquelle la liberté de notre vouloir ne peut pas changer grand-chose. C’est même un fait bien connu que non seulement le moi ne peut rien contre le Soi, mais que même il est parfois assimilé par des composantes de la personnalité inconsciente comprises dans le processus d’évolution et qu’il est modifié par elles à un degré élevé.
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Si un fait intérieur n’est pas rendu conscient, il se présente de l’extérieur, comme destin. Autrement dit, si l’individu demeure monolithique et ne devient pas conscient de son opposition interne, il est probable que l’univers devra figurer le conflit et être scindé en deux.
Carl Gustav Jung (1875-1961) est un médecin, psychiatre, psychologue et essayiste suisse.
Carl Gustav Jung dans Aïon : Études sur la phénoménologie du soi
Une pièce musicale de Eternal Eclipse – Lullaby For Sadness
