Des îles dans un océan

Comme tout rêveur, j’ai toujours senti que ma mission était de créer.

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Ce que nous savons est une sphère qui, plus elle s’élargit, plus elle a de point de contact avec ce que nous ne savons pas.

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La vie nous lance au loin comme un caillou, et nous, nous disons dans les airs, « regardez comme je me démène ».

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Nous vivons presque toujours en dehors de nous, et la vie elle-même est une perpétuelle dispersion. Pourtant c’est vers nous que nous tendons, comme vers un centre autour duquel nous dessinons, comme les planètes, des ellipses absurdes et lointaines.

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Personne ne comprend l’autre. Nous sommes, comme l’a dit le poète, des îles dans l’océan de la vie ; Une âme aura beau s’efforcer de savoir ce qu’est une autre âme, elle saura seulement ce qu’un mot lui dira – ombre difforme se profilant sur l’aire de son entendement.

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L’âme humaine est si inéluctablement victime de la douleur, qu’elle souffre de la douloureuse surprise à laquelle elle devait pourtant s’attendre.

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Je suis toujours stupéfait quand j’achève quelque chose. Stupéfait, et désolé. Mon instinct de perfection devrait m’empêcher de terminer ; il devrait même m’empêcher de commencer. Mais j’oublie, et je le fais. Ce à quoi je parviens est le produit, en moi, non d’une décision de ma volonté, mais d’un renoncement de sa part. Je commence parce que je n’ai pas la force de penser, je termine parce que je n’ai pas le courage d’abandonner. Ce livre est ma lâcheté

Fernando António Nogueira Pessoa (1888-1935) fut un écrivain et poète portugais. À sa mort, on découvre 27 543 textes enfouis dans une malle que l’on a exhumés peu à peu. 

Fernando Pessoa dans Livre(s) de l’Inquiétude

Une pièce musicale de Tony Anderson – In the Distance

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