L’émerveillement

L’émerveillement invite en notre paysage intérieur des états mentaux sereins, vastes et ouverts qui engendrent un sentiment d’adéquation avec le monde. Il nous fait sortir de nous-mêmes, immensifie l’esprit et dilate le cœur. Il nous emplit de la vaste et émouvante interdépendance des êtres et de la nature. En tout cela, l’émerveillement nous guide vers la sagesse.

Les sources d’émerveillement sont multiples : le regard d’un enfant qui vient de naître, un acte d’une grande bonté, les moments où on laisse son esprit reposer au sein de la paix intérieure. Émerveillons-nous de la nature sauvage ou d’un visage qui reflète les profondeurs de la sagesse et de la compassion. Émerveillons-nous à la lecture d’un poème, en écoutant un prélude de Bach ou un enseignement dont les lumières ins­pirent l’esprit. Se fondre dans l’immensité du ciel, se perdre dans le dédale d’une écorce, disparaître dans l’intimité d’une fleur, savourer l’appel mélodieux d’une grive, la légèreté d’un flocon de neige qui se pose au creux de la main, la fraîcheur de l’instant présent sans s’égarer dans les mille et un ailleurs de la distraction.

L’émerveillement s’apparente à l’expérience du «flux» (flow), cette immersion parfaite en ce que l’on fait ou contemple décrite par le psychologue Mihâly ( ‘sikszentmihâlyi.

Incompatible avec l’animosité, l’avidité et l’orgueil, l’émerveillement permet au meilleur de nous-mêmes de remonter à la surface ; et, puisqu’il se conjugue parfaitement avec la bienveillance, la générosité et l’admiration, il est dépourvu de vanité. En cela, il nous élève.

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L’émerveillement, nous disent les chercheurs, réduit l’individualisme et l’apitoiement sur soi.

Celles et ceux qui s’émerveillent auront davantage tendance à se décrire comme «un habitant de cette planète» que comme un «individu». L’émerveillement engendre le respect envers la nature sauvage, le respect mène au désir de protéger notre environnement et ce désir mène à l’action qui elle-même peut nous mener vers une harmonie durable entre l’homme et l’environnement dont il fait partie par le jeu de l’interdépendance de toute chose.

Matthieu Ricard (1946) est un moine bouddhiste, photographe et auteur. En 1980, grâce à Dilgo Khyentsé Rinpoché, il rencontre pour la première fois le Dalaï-lama, dont il devient interprète français à partir de 1989. Il est également membre du comité de l’Institut Mind and Life, une organisation qui se consacre à la recherche menée en étroite collaboration entre des scientifiques, des érudits et des méditants bouddhistes.

Matthieu fait don de tous les revenus de ses livres à l’association humanitaire Karuna-Shechen (karuna-shechen.org) avec laquelle il a déjà mené plus de 130 projets humanitaires en Inde, au Népal et au Tibet (cliniques, écoles, orphelinats, maisons de retraite et de soins pour les personnes âgées).

Christophe André, Alexandre Jollien et Matthieu Ricard dans Abécédaire de la Sagesse

Une pièce musicale de Carlos Hof & Orquesta Filarmónica de Budapest – Adore

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