Lila

Définir quelque chose, c’est le soumettre à un enchevêtrement de relations intellectuelles. Et ce faisant, on détruit la véritable compréhension.

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Comme dans la vieille histoire du maître zen et de la tasse de thé. Si tu veux boire du thé frais, tu dois d’abord vider le vieux thé qu’il y a dans ta tasse, sinon ta tasse déborde et tout est trempé. Notre tête est exactement comme cette tasse. Elle a une capacité limitée, et si tu veux apprendre quelque chose sur le monde, tu dois garder la tête vide en vue de l’apprendre. Il est très facile de passer sa vie entière à remuer du vieux thé dans sa tasse en ce disant qu’il est très bon parce qu’on n’a jamais vraiment goûté quoi que ce soit de nouveau, parce qu’on ne peut pas le faire tenir dans la tasse, étant donné que le vieux thé prend toute la place, parce qu’on est tellement convaincu que le vieux est très bon, vu qu’on n’a jamais vraiment goûté quoi que ce soit de nouveau… Et ainsi de suite indéfiniment comme un serpent qui se mord la queue.

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Mais si la qualité ou l’excellence est considérée comme la réalité ultime, il devient alors possible que plusieurs ensembles de vérités existent. On ne recherche alors pas la « Vérité » absolue. On recherche plutôt l’explication intellectuelle de la plus haute qualité des choses, sachant que si le passé est un guide pour l’avenir, cette explication doit être considérée provisoirement, comme utile jusqu’à ce que quelque chose de mieux se présente. On peut alors examiner les réalités intellectuelles de la même manière qu’on examine les tableaux dans une galerie d’art, non pas dans le but de découvrir lequel est le « vrai » tableau, mais simplement pour apprécier et conserver ceux qui ont de la valeur. Il existe de nombreux ensembles de réalités intellectuelles et nous pouvons percevoir que certains ont plus de qualité que d’autres, mais le fait que nous le fassions est en partie le résultat de notre histoire et de nos modèles de valeurs actuels. 

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Ils vivaient dans une sorte de film projeté par cette machine intellectuelle électromécanique qui avait été créée pour leur bonheur, qui disait : PARADIS PARADIS PARADIS mais qui les avait par inadvertance exclus de l’expérience directe de la vie elle-même – et les avait exclus les uns des autres.

Robert Maynard Pirsig (1928-2017) est un philosophe et écrivain américain.Il est devenu célèbre avec son premier livre « Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes ». 

Robert M. Pirsig dans Lila Une enquête sur la morale

Une pièce musicale Asience ( by Ryuichi Sakamoto 坂本 龍 ) – arr. for violin and piano

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