
A mesure que la connaissance scientifique progressait, le monde s’est déshumanisé. L’homme se sent isolé dans le cosmos, car il n’est plus engagé dans la nature et a perdu sa participation affective inconsciente, avec ses phénomènes. Et les phénomènes naturels ont lentement perdu leurs implications symboliques. Le tonnerre n’est plus la voix irritée d’un dieu, ni l’éclair de son projectile vengeur. La rivière n’abrite plus d’esprits, l’arbre n’est plus le principe de vie d’un homme, et les cavernes ne sont plus habitées par des démons. Les pierres, les plantes, les animaux ne parlent plus à l’homme et l’homme ne s’adresse plus à eux en croyant qu’ils peuvent l’entendre. Son contact avec la nature a été rompu, et avec lui a disparu l’énergie affective profonde qu’engendraient ses relations symboliques.
Les symboles de nos rêves tentent de compenser cette perte énorme. Ils nous révèlent notre nature originelle, ses instincts et sa manière particulière de penser. Malheureusement, ils expriment leur contenu dans le langage de la nature, qui est étrange et incompréhensible pour nous.
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Comment l’être humain peut-il résister à la tension de se sentir en union avec l’univers entier, quand il n’est en même temps qu’une misérable créature humaine ? Si je me méprise, en considérant que je ne suis qu’un nombre dans une statistique, ma vie n’a pas de sens, et ne mérite pas d’être vécue. Mais si en revanche j’ai l’impression de participer à quelque chose de beaucoup plus vaste, comment vais-je conserver les deux pieds sur terre ? Il est en fait très difficile d’unir en soi ces deux extrêmes sans tomber dans un excès ou dans un autre.
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J’ai déjà signalé l’existence, chez les peuples primitifs, de ce que les anthropologues appellent « le misonéisme », c’est à dire une peur profonde, superstitieuse, de la nouveauté. L’homme « civilisé » réagit de la même façon devant des idées nouvelles, en élevant des barrières psychologiques pour se protéger contre le choc d’affronter une nouveauté.
Carl Gustav Jung (1875-1961) est un médecin, psychiatre, psychologue et essayiste suisse.
Carl Gustav Jung dans L’homme et ses symboles
Une pièce musicale de Anouar Brahem « After the Last Sky »

Merci
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Nice post!
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