La vie spirituelle

« Où puis-je trouver la connaissance ?  » Je sais maintenant où elle est : dans le vide. Et j’apprends ainsi cette chose : qu’aller vers la connaissance c’est aller justement vers ce que l’on ne connaît pas. Vers l’inconnu. Et que c’est absolument effrayant.

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C’est un privilège de connaître la perte de son vivant. Avant la mort, et au plus tôt. Car pour perdre, il faut avoir conquis, c’est-à-dire tout misé, il faut avoir pris le risque de vivre. Beaucoup rencontrent l’absence, mais la perte c’est autre chose. Ce sont ces blessures qui nous ouvrent comme une baie en plein poitrail. À un certain moment de la vie, tout le monde abrite peut-être en lui cet espace de terreur désolée. C’est un privilège de l’avoir connu jeune, et même enfant. Car alors il reste toute la vie pour faire le chemin jusqu’à la plénitude du vide.

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Je veux croire qu’il y en a, des vies comme ça, des vies de nuit qui portent leur lumière et leur mémoire et qui s’avancent pourtant comme de pauvres bateaux avec leur maigre lanterne dans la tempête du chaos et des souvenirs, mais qui par leur espérance allument des soleils magnifiques. C’est ce que je veux. En dépit de tout. Allumer des soleils. C’est ce qui m’a toujours portée.

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Dieu se réveillera-t-il un jour de sa sieste ou le rêve du monde se poursuivra-t-il aussi longtemps que son sommeil ? Je suis une pivoine, je suis entrée dans le rêve, il y a des années, dans le rêve de mon nom, une pivoine aux pétales défaits qui a cherché Yasuki toute sa vie, cherché la vérité. Car la poésie est liée à la vérité. Elle est parfaitement réelle. Elle est ce point de pureté du réel qui, lorsqu’on le perçoit, fait de nous des êtres humains incarnés et vivants, manifestation du divin, spiritualisant la matière. Notre tâche d’homme, je ne cesse de le répéter : déplier l’absolu en nous.

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Lorsque nous mourrons, toute notre énergie positive participe de l’avancée du projet cosmique. Et l’énergie négative retourne à la masse de ce qui doit être transformé, à l’inconscient de l’Univers, pour être de nouveau représentée, distillée et modifiée dans le creuset alchimique qu’est l’homme. Jusqu’à ce que, entièrement transformée, l’énergie puisse muter et ouvrir à un autre champ de conscience. Nous sommes l’athanor, le creuset dans lequel se distille la conscience. Notre responsabilité dans l’Univers est une responsabilité d’alchimiste. C’est cela qu’il fut transformé : l’émotion en caractère…

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Yasuki me dit qu’il y a deux hémisphères sur la terre pour que les êtres humains ne dorment pas tous en même temps ; sans quoi il n’y aurait pas assez de rêves pour faire exister le monde. Et aussi qu’il y a deux hémisphères dans le cerveau.

Laurence Nobécourt dans La vie spirituelle

Une pièce musicale de Ennio Morricone & André Rieu – Gabriel Oboe

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