Le zen et le tir à l’arc

Chez nous, on conseille à celui qui a cent kilomètres à parcourir de considérer quatre-vingt-dix comme la moitié.

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L’homme est bien un roseau pensant, mais ses plus grandes œuvres se font quand il ne pense ni ne calcule. Il nous faut redevenir « comme des enfants » par de longues années d’entraînement à l’art de l’oubli de soi. Quand cela est réalité, l’homme pense et pourtant il ne pense pas ; il pense comme les vagues qui déferlent sur l’océan ; il pense comme les étoiles qui illuminent le ciel nocturne ; il pense comme le vert feuillage qui bourgeonne dans la paix de la brise vernale. En vérité, il est les ondées, l’océan, les étoiles, le feuillage. Lorsqu’un homme est parvenu à cet état de développement « spirituel », il est un artiste Zen de la vie.

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Un jour que je lui faisais remarquer combien je m’efforçais consciencieusement à rester décontracté, celui-ci répliqua : « C’est justement parce que vous vous y efforcez, parce que vous y pensez. Concentrez-vous exclusivement sur la respiration, comme si vous n’aviez rien d’autre à faire !…

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Pour l’ambitieux la cible n’est qu’un méchant morceau de papier qu’il réduit en miette. La « grande doctrine » du tir à l’arc voit dans une telle conception une chose purement diabolique. Elle ignore tout d’une cible dressée à une distance déterminée de l’archer ; elle connait seulement le but qui ne s’atteint d’aucune manière technique, et si elle donne un nom à cet objectif, elle l’appellera : Bouddha ».

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Si l’on veut vraiment maîtriser un art, les connaissances techniques ne suffisent pas. Il faut passer au-delà de la technique, de telle sorte que cet art devienne « un art sans artifice », qui ait ses racines dans l’Inconscient.

Eugen Herrigel dans Le zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc

Une pièce musicale Epic Japanese Music – Bushido