
L’essentiel de l’art de cuisiner est d’avoir l’attitude d’esprit profondément sincère.
*
Dans leurs différentes tâches, tous les administrateurs et les directeurs [du monastère], tout autant que celui qui a cette charge [de cuisinier], doivent entretenir [en eux] l’allégresse, la gentillesse et la largesse.
*
L’allégresse désigne la disposition d’esprit qui perçoit de cette façon. En vérité, même si vous deveniez un saint roi qui tourne la roue mais que vous ne prépariez un repas à offrir aux trois trésors, il n’y aura en fin de compte aucun avantage, ce ne serait [comparable qu’à] une bulle d’eau ou à une flammèche.
*
D’autre part, ne jugez pas les qualités et les défauts des membres de la communauté et ne tenez pas compte de leur ancienneté ou de leur âge. Puisque vous ignorez votre propre devenir, comment pourriez-vous augurer de celui des autres ? Si vous mesurez les manques des autres en prenant pour norme vos propres manques, comment ne commettriez-vous pas d’erreurs ? Les hommes diffèrent en âge et en facultés, mais dans la voie ils sont tous égaux. En outre, il se peut que celui qui hier a mal agi agisse bien aujourd’hui. Qui est un saint ? Qui est un homme ordinaire ? Personne ne le sait.
*
L’esprit de l’homme de la voie est simple et direct, sans faux-semblant. Chez lui, il n’y a pas une face d’ombre et une face de lumière ; il ne trompe pas et ne se fait pas d’illusions. Tout ce qu’il voit et entend à chaque heure du jour n’est que les choses ordinaires de la vie, les gestes quotidiens. Rien n’est déformé. Il n’est pas nécessaire de vivre à l’écart en se mettant un bandeau sur les yeux ou de se boucher les oreilles pour éviter les souillures. Il suffit de ne pas se laisser attacher par les choses et les émotions. Nos sages prédécesseurs n’ont cessé de répéter que toutes nos souffrances venaient des souillures des attachements. Si l’on ne se laisse pas polluer par les vues perverties, les idées reçues, les habitudes de pensée, l’esprit devient clair et limpide comme l’eau du ruisseau en automne. Pur et tranquille, il coule en toute liberté. C’est ainsi que l’on devient un homme de la voie. On l’appelle aussi un homme sans affaires
Eihei Dōgen, Dōgen Kigen, soit Dōgen rare mystère ou maître zen Dōgen (1200-1253) est un grand maître de l’école Sōtō du bouddhisme zen, qu’il introduisit au Japon depuis la Chine. Dôgen métamorphose la préparation d’un repas en méditation zen : une invitation à trouver la sérénité au cœur des activités quotidiennes les plus banales.
Maître Dogen dans Instructions au cuisinier zen
Une pièce musicale Shika no Tone
