Apprendre à voler (en dix mille leçons faciles)

Regardez votre corps dans sa valeur en eau et minéraux, cette même eau qui bientôt (ce qu’un arbre appelle bientôt) sera soulevée dans les cœurs ascensionnels d’une forêt, rendue au soleil dans un regard feuillu. Et le reste !

Tout en débranchements muets, vous êtes la cendre parfaite et blanche comme l’os : la légèreté des flocons, la chute sur les courants ascendants vers le souffle désincarné d’un oiseau.

Regardez vos éléments recomposés en morceaux de ciel, s’élevant sans regret car vous n’avez pas manqué de chance. Tombée pour la dernière fois en dépression, sur les mauvaises personnes, amoureuse.

Vous avez conclu le meilleur marché.

Vous avez atteint des sommets ou pas. Ce qu’il y a encore d’inachevé vous pouvez le glisser comme un sac de billes dans les mains d’un enfant qui n’en sera pas plus avancé.

Imaginez votre joie dans cette élévation.

Répéter autant de fois que nécessaire.

*

Apprendre à survivre à ça

Ô misère. Univers

imparfait de jours qui s’étirent

devant nous, la rangée de perles

et de gouttes de poison sur la toile,

tout ce qu’on perd, le courage, la vie,

un membre, et les nouvelles du pire :

Redites-moi qu’un jour

viendra où, avec le recul,

je serai fascinée

par le pathétique de tout ce sel gâché

alors que je n’avais que ça

à pleurer.

Pour l’instant je vais me coucher.

Je n’en suis pas encore là.

Barbara Kingsolver dans Apprendre à voler (en dix mille leçons faciles)

Une pièce musicale de Ludovico Einaudi – Fly