Le Prince Zaphir

Fenêtre, lumière

Le Prince Zaphir était si bon et si tendre que jamais il ne blessait de chose vivante. S’il voyait un ver ramper sur la route devant lui, il l’enjambait avec précaution pour ne pas lui faire de mal. S’il voyait une mouche qui était tombée à l’eau, il l’en sortait avec tendresse et la renvoyait dans l’air glorieux et lumineux, de nouveau libre de ses ailes ; il était si gentil que tous les animaux qui l’avaient déjà vu le reconnaissaient ensuite, et lorsqu’il allait dans le bois s’asseoir à sa place préférée, de toutes les choses vivantes une joyeuse rumeur montait jusqu’à lui. Ces insectes brillants, dont les couleurs changent d’une heure à l’autre, se paraient de leurs couleurs les plus étincelantes et se chauffaient aux rayons lumineux qui tombaient entre les branches des arbres. Les insectes bruyants mettaient leur cache-nez pour ne pas les déranger ; et les petits oiseaux qui se reposaient sur les arbres ouvraient leurs yeux ronds et brillants, sortaient dans la lumière, clignotaient des paupières, faisaient des clins d’œil et pépiaient leurs petites chansons de bienvenue avec les notes les plus douces.

Il en va toujours de même avec les personnes tendres et aimantes ; les choses vivantes qui ont des voix aussi douces que celles des hommes et des femmes, et qui ont leurs propres langages, bien que nous ne puissions pas les comprendre, toutes s’adressent à elles avec des notes joyeuses et leur souhaitent la bienvenue avec leurs propres et jolies façons.

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Les enfants qui voudraient devenir des hommes bons et grands, ou des femmes bonnes et nobles, devraient essayer de bien connaître tous ceux qu’ils rencontrent. Alors ils se rendraient compte qu’il n’est personne qui n’ait en soi beaucoup de qualités ; et quand ils verraient quelque grande sottise, ou quelque méchanceté, ou quelque couardise, ou quelque défaut, ou quelque faiblesse chez une autre personne, ils devraient soigneusement s’examiner eux-mêmes. Ils verraient alors qu’eux aussi peut-être souffrent du même défaut qu’ils devraient chercher à vaincre – même si celui-ci ne se manifeste pas forcément d’une manière semblable. Ainsi ils deviendraient meilleurs tout en grandissant.

Abraham Stoker, dit Bram Stoker, (1847-1912) est un écrivain irlandais, auteur de nombreux romans et de nouvelles. Loin d’ici existe un beau Pays que nul œil humain n’a jamais vu aux heures de veille. Au-delà du Crépuscule il s’étend, là où l’horizon lointain marque la frontière du jour, et où les nuages, resplendissants de lumière et de couleur, sont comme une promesse de la gloire et de la beauté qui l’entourent.

Bram Stoker dans Au-delà du crépuscule – Le Prince à la rose

Une pièce musicale de Julia Andersson – Svävar