Réagir autrement

Pourtant, le fait psychologique inattendu est que l’homme ne peut se contrôler s’il ne s’accepte pas. En d’autres termes, avant de pouvoir changer son plan d’action, il doit d’abord être sincère, aller avec et non contre sa nature, même lorsque la tendance immédiate de sa nature est vers le mal, vers une chute.

Il en va de même pour naviguer sur un bateau, car quand on veut naviguer contre la direction du vent, on n’invite pas les conflits en tournant droit dans le vent. Tu tacles contre lui, en gardant le vent dans tes voiles. Donc, aussi, pour se récupérer le conducteur automobile doit tourner dans le sens d’un dérapage.

Notre problème est que notre long endoctrinement dans la pensée dualiste a fait qu’il est question de bon sens que nous ne pouvons contrôler notre nature qu’en allant à l’encontre. Mais c’est le même faux bon sens qui pousse le conducteur à se retourner contre le dérapage. Pour maintenir le contrôle, nous devons apprendre de nouvelles réactions, tout comme dans l’art du judo, il faut apprendre à ne pas résister à une chute ou à une attaque, mais à la contrôler en se balançant avec. Maintenant le judo est une application directe à la lutte de la philosophie zen et taoïste du wu-wei, de ne pas s’affirmer contre la nature, de ne pas être en opposition frontale à la direction des choses. L’objectif du mode de vie zen est l’expérience de l’éveil ou de l’illumination (la perspicacité, devrait-on dire dans le jargon psychologique actuel), dans laquelle l’homme échappe à la paralysie, à la double-bind, dans laquelle l’idée dualiste de la maîtrise de soi et de la conscience de soi l’implique. Dans cette expérience, l’homme surmonte son sentiment de division ou de séparation – non seulement de lui-même en tant que moi-même supérieur contrôlant contre le moi inférieur contrôlé, mais aussi de l’univers total des autres personnes et des choses. L’intérêt du Zen est qu’il fournit un exemple unique et classique d’une façon de reconnaître et de dissoudre le conflit ou la contradiction de la conscience de soi.

Alan Wilson Watts (1915 – 1973) est l’un des pères de la contre-culture en Amérique. Philosophe, écrivain, conférencier et expert en religion comparée.

Un livre revigorant, par l’un des « pères » de la contre-culture aux Etats-Unis, qui figure en bonne place dans «Les Livres de ma vie». Henry MILLER.

Alan Watts dans Éloge de l’insécurité

Une pièce musicale de Joep Beving – Ab Ovo