Lettre à un inuit

Garder un vide intérieur leur permettant d’être en relation intime avec la glace, le vent porteur de messages Innerlichkeit : l’esprit intérieur est ouvert à l’inconnaissable par dix millénaires d’animisme.

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Ces temps de perception animiste ont été longtemps décriés, d’abord par l’Église, qui ridiculisait et proscrivait le savoir des païens, assimilé à celui de sorciers, puis les rationalistes enfin, les autorités marxistes de la doctrine léniniste athée. L’animisme a pour expression le chamanisme.

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La pensée scientifique est, selon Bachelard, une philosophie du non, une épistémologie non cartésienne qui rompt avec la perception immédiate de la nature pour mettre, à la place, une pensée de la complexité.

Les peuples premiers d’Amazonie parlent encore dans les arbres avec les oiseaux ou écrivent en Australie dans le sable des messages pour les grands esprits ; leur philosophie de vie s’inscrit dans une intuition sauvage de l’ordre de la nature.

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J’ai connu des chamans ; ils appréciaient le dieu des Blancs, comme une autorité puissante mais bonne pour les seuls Blancs.

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Avec un esprit confucéen, ils déchiffrent cet alphabet de la matière, en faisant le vide en eux. Ils ressentent, sans être en mesure de l’exprimer, les symboliques des couleurs et des sons dominants, la densité de l’air, le froid. Ils se laissent habiter par le silence toujours plus profond et qui se poursuit en rêve. Orare, c’est ce qu’aurait dit sans doute le célèbre sociologue Marcel Mauss dans sa thèse inachevée sur la prière. Puis, le regard fixe, commence un dialogue, sous forme de murmure ou de tête-à-tête avec ces forces ils appellent des esprits ou Imiat. C’est ce que la physique appelle l’énergie de la matière et ce que les physiciens inuits de demain appelleront des atomes de vie

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Toute société sans transcendance, habitée par une civilisation à dominante matérialiste et dirigée par les seules forces financières est, à terme, condamnée.

Jean Malaurie dans Lettre à un inuit de 2022

« Arnaq » signifie « femme » en inuktitut, la langue des Inuits. C’est également le titre d’une chanson d’Elisapie, qui est un hommage à la force des femmes.

Une pièce musicale de Elisapie – Arnaq