Les cœurs meurent de sécheresse
Comme bétail dans un désert,
Un jour dur se désintéresse
Des meurtrissures de la terre.
Où sont les étangs, les rivières,
L’humidité de la verdeur,
La terre jaune est prisonnière
Des fils de fer de la douleur.
Oh ! qu’il pleuve enfin sur le monde,
Que les larmes viennent aux cœurs
Et que les regards se détendent
Rendant les armes aux douleurs.
Que le sang reste dans les veines
Et n’en jaillisse tout d’un coup
Comme d’une pauvre fontaine
Qui n’en peut pas donner beaucoup.
Oh ! qu’il pleuve des herbes douces,
Avec des pétales de pluie
Et que la tendresse repousse
Dans les plaines endolories,
Que sécheresse se transforme
En persuasives rosées
Et que la soif de tant de morts
Par nos larmes soit apaisée.
Oh ! qu’il pleuve enfin sur la haine
Comme sur les buissons saignants,
Et sur les cœurs qui se méprennent
Beaucoup de pluie également,
Que le monde se cicatrise,
Que mort sanglante se dédise
Et que s’avance enfin la paix
Avec sa houle de respect !
Jules Supervielle dans Œuvres poétiques complètes
Une musicale de Ennio Morricone – Gabriel’s Oboe