Cosmos

ImAGE univrs

Si l’on mélange la quête et la découverte, alors le probable et le possible se confondent au certain, le vraisemblable devient le vrai…

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Avant l’écriture, la parole était apprise par cœur, mémorisée. La capacité des hommes à retenir des milliers de phrases définissait alors la poésie qui était d’abord sonore : dans la tribu, un homme racontait les généalogies pour faire remonter la famille du roi jusqu’aux ancêtres les plus lointains qui, bien sûr, étaient les dieux, il disait les mots du rituel au moment d’une initiation, il rapportait les récits légendaires qui expliquaient la création du monde, la séparation du ciel et de la terre, l’apparition des hommes, le destin de l’âme des défunts, la puissance du monde des esprits, la manière de s’adresser au dieu, les mots à dire lors du sacrifice d’un animal. L’homme qui enseigne est le poète. Il crée le monde avec des mots, il crée des mots avec le monde.

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Avec les étoiles, mon père m’enseignait le temps et la durée; avec les anguilles, l’espace et les migrations. La clarté de l’étoile polaire inscrivait ma vie d’enfant dans les durées de l’infini ; les ondulations de l’anguille dans celles d’une planète où tout est en relation de bonne intelligence naturelle. La voûte étoilée au-dessus de mon village et le clapotis de l’eau de la rivière qui grouillait d’une vie préhistorique, voilà qui me permettait d’entrer dans un monde vivant- et de m’y installer durablement. L’enfant que je fus est le père de l’adulte que je suis; et mon père, le père de cet enfant. La Grande Ourse et la petite anguille conduisent plus sûrement une âme en train de se faire vers les ontologies utiles que les livres qui, bien plus tard, les en détournent. Je ne savais pas à quel point ces leçons de choses imprégneraient ma matière grise.

Michel Onfray dans Cosmos

Une pièce musicale de Kitaro – Cosmic Energy