
Sous le fallacieux et pernicieux concept de « croissance » mis de l’avant par d’insatiables prédateurs économiques et leurs exécutants à la tête des États-Nations modernes, on incite sans vergogne les gens à consommer et acheter toutes sortes de choses dont ils n’ont pas vraiment besoin avec de l’argent qu’ils n’ont pas, ce qui les enchaîne davantage à un travail d’esclave que souvent ils détestent.
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L’autorité est ce qui permet à celui qui la détient de s’assurer que les individus respectent les règles établies en vue du fonctionnement harmonieux de la société. Qui devrait alors détenir l’autorité ? Celui qui sait ce qui convient, ce qui assure l’harmonie, autrement dit, celui qui sait ce qui est *censé* être. Le dépositaire du pouvoir temporel (exécutif, législatif ou judiciaire) doit se référer à ce qui est vrai, ce qui est conforme à la réalité. L’autorité découle de la connaissance de la vérité.
Plus le dépositaire du pouvoir temporel sera ignorant et éloigné de la vérité de l’existence, plus son autorité reposera sur des éléments factices et alors tout sera laborieux : menaces, recours constant à la force, marécage de lois, d’interdits et de règlements tatillons, de procédures, de poursuites et de procès sans fin, appareil policier, judiciaire et carcéral très lourd et coûteux en temps, en énergie et en ressources de toutes sortes.
Dans une société bien agencée (*ṛtam*), l’autorité du pouvoir temporel repose sur quelque chose de bien plus fort que la force ou les calculs politiques : la véritable autorité de nature profondément spirituelle. Celui qui incarne un tel pouvoir bien-fondé rayonne *auctoritas* et *majestas*. Il impose le respect par sa seule présence. Telle était le fondement de l’institution pharaonique : le roi était considéré comme l’incarnation d’Horus. En Inde, les *Lois de Manu *sont claires : «Le roi est une grande divinité (*mahatī devatā*) sous forme humaine (*nararūpena*).» Dans les états modernes, on croit qu’une élection au terme d’une campagne électorale grotesque (elles le sont toutes), essentiellement faite de slogans pour enfumer des masses changeantes, timorées et ignorantes d’enjeux complexes, suffit pour assurer l’*auctoritas *et la *majestas*. Les discours des politiques, préparés par des fonctionnaires, presque des robots, n’ont plus pour fonction d’exprimer une pensée véritable, mais celle de suppléer à sa pauvreté ou même voiler son absence. Les lois de l’existence ne se plieront jamais à un tel cirque.
Les mots *auctoritas*, *majestas* et respect ne viennent pas facilement à l’esprit quand on pense à ceux et celles qui se retrouvent à la tête des états modernes. Le manque d’*auctoritas* conduit, une fois dissipées les circonstances favorables, au chaos et, en réaction, à l’autoritarisme : le désordre qui s’abattra bientôt sur l’Occident engendrera un autoritarisme de plus en plus dur, voire la dictature, aux antipodes de l’*auctoritas*.
Jean Bouchart d’Orval dans Civilisation profane : La perte du sacré
Une pièce musicale de The Orchard – L’Antidote
