Je vais très bien. Je suis dans une merveilleuse disposition de l’âme. Tout ce que je vois, en attendant ma fin, ferme le cercle. Tu sais, il y’avait un célèbre maître zen à qui on demanda un jour : “Quel est le sens de tout cela ?” Et le maître zen prit un pinceau chinois, le plongea dans l’encre et dessina un cercle. J’ai moi aussi ce rêve. C’est beau, non ? Fermer le cercle.
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Et c’est alors que j’ai eu cette autre belle vision, une vision qui me plaisait : la vie ne s’arrête jamais. On peut lancer du napalm, on peut lancer du sel, on peut tuer tout le monde. Pendant un certain temps, on ne voit rien. Puis, paf ! une petite plante sort de terre, un marché réapparaît, deux personnes font l’amour, et la vie reprend son cours, avec cette avidité de vivre qui fait partie de la vie ! On sentait combien la présence de la vie était forte, vraiment forte.
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L’économie est devenue le succube de l’homme. Toute notre vie est déterminée par l’économie. Je pense que la grande bataille de notre avenir sera la bataille contre l’économie qui domine nos vies, la bataille pour le retour à une forme de spiritualité – qu’on peut appeler religiosité, si l’on veut – à laquelle on puisse s’adresser. Car c’est une constante dans l’histoire de l’humanité, ce désir de savoir ce qu’on est venu faire sur Terre.
Il nous faut de nouveaux modèles de développement. Pas seulement la croissance, mais également la parcimonie. Tu vois, Folco, je dis, moi, qu’il faut se libérer des désirs. Mais, précisément à cause du système pervers de notre société de consommation, notre vie est entièrement axée autour des jeux, du sport, de la nourriture, des plaisirs. La question est de savoir comment sortir de ce cercle vicieux : petit à petit, l’oiseau fait son nid. Mais, putain, ce système nous impose des comportements qui sont complètement absurdes. On ne veut pas certaines choses, mais le système de la société de consommation nous séduit et nous convainc de désirer ces choses-là. Toute notre vie dépend de ce mécanisme. Il suffit pourtant de décider de ne pas participer à ce système en résistant, en jeûnant ; alors, c’est comme si on utilisait la non-violence contre la violence. Finalement, à quoi bon toute cette violence ? Ils ne vont tout de même pas nous les enfourner dans la gueule, leurs trucs !
Ce qu’il faut, c’est un effort spirituel profond, une réflexion profonde, un réveil profond. Ce qui, du reste, a quelque chose à voir avec la vérité, dont plus personne ne se soucie. Et là, une fois de plus, Gandhi était extraordinaire. Il cherchait la vérité, ce qui est derrière tout. « Avant, je croyais que Dieu était la vérité. Maintenant, je dirais que la vérité est Dieu
Tiziano Terzani dans Le grand voyage de la vie : Un père raconte à son fils
Une pièce musicale de Paolo Conte – Via con me
Les paroles en français sur https://www.lacoccinelle.net/246493-paolo-conte-via-con-me.html