Hagakure : Écrits sur la voie du samouraï

Le moine Tannen me dit un jour : « Il est généralement enseigné que pour atteindre l’éveil, il faut se libérer de toute idée et de toute pensée, sans nécessairement en comprendre la signification ; la capacité de se concentrer avec un cœur pur n’est autre que la capacité de se libérer de toute idée et de toute pensée. » Cette remarque est fort juste. Le seigneur Sanenori m’avait indiqué que « L’espace d’une respiration suffisait à révéler la voie de la vérité dès lors que l’esprit était sincèrement débarrassé du mal. » Leurs réflexions se rapportent à une seule et même chose. Il est vraiment dommage que trop peu de gens s’y intéressent. La pureté et la simplicité requièrent des efforts de tous les instants.

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Choisir la justice par simple dégoût de l’injustice n’est pas chose aisée. En effet, dans sa quête incessante de justice, l’homme, malgré toutes ses certitudes, se laisse souvent entraîner à commettre des erreurs, car la vérité se situe hors de portée de la justice et est difficile à appréhender à moins de posséder la sagesse suprême.

Néanmoins, s’il n’est pas possible de découvrir la vérité par soi-même, il existe un autre moyen d’y accéder : en consultant les autres. Même un homme qui a peu d’espoir d’atteindre la vérité, est susceptible d’analyser clairement les affaires des autres, c’est le cas, par exemple, lors d’une partie de go (jeu traditionnel), il est souvent dit « Celui qui regarde voit mieux que celui qui joue. » Un adage ajoute encore « Réfléchissez seul, de temps en temps, pour vous rendre compte que vous vous trompez. », ce qui signifie également qu’un problème est plus facile à régler en consultant les autres. Apprendre en écoutant les histoires du passé et en lisant des livres ne signifie rien d’autre que de s’appliquer à suivre le cheminement de la pensée des anciens et des sages.

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Lorsque je demandai à Yasaburô d’écrire un poème sur un shikishi*, j’utilisais ces mots pour lui donner la vitalité nécessaire : « Pense que tu vas écrire un seul et unique mot qui couvrira toute la carte et que ton pinceau va déchirer le papier. Le fait que ta calligraphie soit présentable on non ne dépend que de ta vigueur. Aussi longtemps qu’un samouraï est rempli d’énergie et ne se montre pas désabusé et évasif, il n’a besoin de rien d’autre. »

* Shikishi, morceau de papier épais, de forme carré, servant à écrire des poèmes de trente et une syllabes ou quelques fois décoré pour la peinture.

Un jour, alors que le seigneur Mitsushige n’était encore qu’un enfant et qu’il devait réciter ce qu’il avait appris au prêtre Kaion, il fit appeler les autres enfants et les acolytes et déclara : « S’il vous plaît, venez ici et écoutez. Il est difficile de réciter lorsque personne ne vous écoute. »

Le prêtre en fut impressionné et dit aux acolytes : « Tel est l’esprit qui doit présider à toute chose. »

Yamamoto Tsunetomo dans Hagakure : Écrits sur la voie du samouraï

Une pièce musicale de The Plight of the Samurai – Traditional Japanese Music