La parabole de Mushin (partie 3)

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Charlotte Joko Beck   –  Soyez zen, en donnant un sens à chaque acte et à chaque instant

La parabole de Mushin  (partie 3)

Au fil des mois puis des années, des centaines, puis de milliers de gens affluèrent à la gare pour venir attendre le train avec armes et bagages, enfants et famille élargie. Mushin ne savait plus où donner de la tête avec toute cette marmaille; il dut même entreprendre d’agrandir la gare. Il dut prévoir de nouveaux locaux pour faire coucher les gens, et finit même par construire une poste et des écoles… Mushin était débordé; il travaillait du matin au soir, il n’avait plus un instant à lui. Et cependant, il restait tenaillé par la colère et le ressentiment. « Tout ce qui m’intéresse, c’est l’éveil, vous savez. Pourtant, tout le monde est là à guetter le train, et pendant ce temps-là, qu’est-ce que je fais, moi? » Mais il persévérait malgré tout…

Un beau jour, il se souvint qu’il devait encore avoir un petit livre dans son sac que, par hasard, il n’avait pas jeté avec les autres, en vidant son appartement. Il tira des profondeurs du sac à dos un petit opuscule qui s’intitulait : Comment faire zazen. Encore de nouvelles instructions à étudier, se dit Joe, mais constatant que celles-ci n’avaient pas l’air trop compliquées, il entreprit de les apprendre et se mit à faire zazen tous les matins, assis sur son petit coussin, avant que tout le monde ne se réveille. Au bout d’un certain temps, il constata qu’il arrivait à mieux supporter le poids de toutes les responsabilités épuisantes qu’il avait été amené à prendre sans vraiment le vouloir. Et il se dit qu’il y avait peut-être un rapport entre le zazen et ce sentiment de paix et de tranquillité qu’il commençait à éprouver. Certains autres aspirants-voyageurs, un peu découragés d’attendre un train dans lequel ils n’arrivaient jamais à monter, prirent l’habitude de se joindre à Mushin. Si bien qu’il y eut bientôt tout un groupe de gens qui faisaient zazen tous les matins, tandis que, parallèlement, les candidats au voyage ferroviaire continuaient à affluer et à guetter le fameux train. Tant et si bien qu’il fallut établir une seconde colonie, un peu plus loin, le long de la voie ferrée. Et comme ce nouveau groupe rencontrait les mêmes problèmes qu’avaient connus ceux de la première gare, quelques anciens pionniers allaient de temps en temps prêter main-forte aux nouveaux et Les conseiller. Par la suite, il y eut même une troisième colonie… la tâche était infinie.

Ils n’arrêtaient plus, du matin au soir : il fallait donner à manger aux enfants, organiser de la menuiserie, faire marcher le bureau de poste, organiser la nouvelle clinique – bref, tout ce qui est nécessaire à la survie et au bon fonctionnement d’une société humaine. Pendant ce temps-là, on ne s’occupait plus du train qu’on entendait encore passer de temps en temps, et s’il y avait bien toujours un peu de jalousie et d’amertume dans les cœurs, elles n’étaient plus aussi virulentes qu’avant – moins solides. Pour Mushin, le vrai virage eut lieu le jour où il essaya d’organiser ce que son petit livre appelait une sesshin*. Il emmena les gens de son propre groupe dans un coin de la gare et ils s’installèrent un peu à l’écart du va-et-vient quotidien pour faire zazen intensivement, pendant quatre ou cinq jours d’affilée. Ils entendaient bien passer le train de temps en temps, dans le lointain, mais ils l’ignoraient et se contentaient de rester assis sur leurs coussins. Par la suite, ils firent aussi connaître cette pratique aux gens des nouvelles gares installées le long de la voie ferrée.

À suivre…

* Sesshin : ce terme signifie « entrer en contact avec l’esprit ». Il désigne une retraite de méditation intensive qui peut durer de deux à sept jours, voire plusieurs semaines ou plusieurs mois.

Une pièce musicale Le corridor d’Harmonium

https://www.youtube.com/watch?v=M7vc91Y7jQw

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