Louis Aragon

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Les hommes vivent les yeux fermés au milieu des précipices magiques. Ils manient innocemment des symboles noirs, leurs lèvres ignorantes répètent sans le savoir des incantations terribles, des formules pareilles à des revolvers. Il y a de quoi frémir à voir une famille bourgeoise qui répand son café au lait du matin, sans remarquer l’inconnaissable qui transparait dans les carreaux rouges et blancs de la nappe.

Je ne parlerai pas de l’usage inconsidéré des miroirs, des signes obscènes dessinés sur les murs, de la lettre W aujourd’hui employée sans méfiance, des chansons de café-concert qu’on retient sans en connaître les paroles, des langues étrangères introduites dans la vie courante sans la moindre enquête préalable sur leur démonialité, des vocables obscurs évocateurs pris pour des appels téléphoniques, et l’alphabet Morse, dont le nom seul devrait donner à réfléchir. Après cela, comment les hommes prendraient-ils conscience des enchantements ? Ce passant qu’ils bousculent, n’avez-vous rien remarqué ? C’est une statue de pierre en marche, cet autre est une girafe changée en bookmaker, et celui-ci, au celui-ci chut : c’est un amoureux.

Voyez comme il marche, avec toutes les pierres des frondes cinglant son front, avec les aiguillées d’hirondelles à son chapeau, avec la brise des vallées heureuses autour du cou, à la bouche l’œillet de la morsure, il est habillé de velours blanc, aussi vrai que je suis au monde, et dans les viviers suburbains s’il se penche à leur surface, les poissons deviennent des couteaux.

Louis Aragon dans le Paysan de Paris

Une chanson de Jean Ferrat – Un jour, un jour

Les paroles sur https://greatsong.net/PAROLES-JEAN-FERRAT,UN-JOUR-UN-JOUR,103281017.html

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