Du bonheur, aujourd’hui

paris-est-une-fete-

La poésie est là, parmi nous. Je vais vous donner quelques exemples.

Comment dire le temps qui passe. Le poète le dit mieux que nous ne pourrons jamais le dire : « Le moment où je parle est déjà loin de moi. »

N’est-ce pas extraordinaire de précision et de finesse ?

Autre exemple, vous dîtes : « Le fruit est bon. »

Le poète, lui, dira :

« Comme le fruit se fond en jouissance

Comme, en délice, il change son absence

Dans une bouche où sa forme se meurt. »

Comment dire mieux ? Comment mieux exprimer le plaisir de goûter ? Ces trois vers me donnent ma bouche plus encore que l’eau à la bouche !

L’amour : « Volage adorateur de mille objets divers. »

Une belle femme qui passe : « Le charme dominant qui marche à votre suite. »

Ainsi marche le charme. Ainsi le poète met-il en musique la traînée magique laissée par la beauté. Il lui donne corps.

*

Le langage nous fait nous-mêmes individus, hommes. La poésie fait appel à cette fonction du langage. Cette fonction de nous fabriquer nous-mêmes. De faire notre corps, notre esprit, notre conscience, notre humanité, notre nature. Il faut prendre le langage à l’état naissant puisqu’il nous fait naître.

Michel Serres dans Du bonheur, aujourd’hui

Une pièce musicale de Maurice Ravel et la performance de Sylvie Guillem – Bolero

Laisser un commentaire