Enseignements du désert

Quelle que soit l’étoile sous laquelle nous sommes nés, il y a toujours une phase de notre existence qui ressemble à une traversée du désert. Dans ce genre d’épreuve, c’est bien souvent les derniers kilomètres qui sont les plus difficiles.

*

Cet enfer a-t-il une fin ? Après plusieurs jours à errer tels des fantômes au milieu du désert, une caravane de marchands perdue entre des dunes inconnues ralentit sa progression. Les hommes et leurs montures sentent leurs forces les abandonner. Leurs silhouettes titubantes semblent risquer de s’évanouir à tout instant au milieu de l’immensité de sable qui s’étend à perte de vue.

Ces nomades aguerris se sont aventurés dans une nouvelle expédition. Mais cette fois-ci, leur traversée est différente. Ils ne se dirigent pas vers les villes où ils ont l’habitude d’aller vendre leurs marchandises. Ils accompagnent un homme de leur village qui a été envoyé par son maître pour chercher un mystérieux trésor dans une antique cité. Aucun d’entre eux n’est jamais allé aussi loin. Pour la première fois, ils cherchent eux-mêmes un chemin dans une partie du désert où aucun de leurs ancêtres n’a mis les pieds. Partis de chez eux en chantant, ces héros à la bravoure légendaire sont désormais aux prises avec le doute. L’un d’entre eux s’écrie : « Il n’y a pas de puits en dehors des routes que nous connaissons. C’est pour cela que nos ancêtres ne sont jamais venus par ici. Rebroussons chemin pendant qu’il est encore temps, ou nous allons tous mourir. » Alors qu’une partie de la caravane sombre dans le désespoir, un cri d’allégresse déchire soudain le silence. « L’eau, il y a de l’eau ! » Il suffit d’un seul mot pour que le mystère de l’esprit humain dévoile sa puissance. Un seul son pour que tous ces hommes qui arrivaient à peine à mettre un pied devant l’autre commencent à se déplacer aussi agilement que des gazelles bondissantes. Ils accourent tous vers l’avant de la caravane pour constater de leurs propres yeux les dires de leur compagnon. Quel miracle ! À la place du petit puits qu’ils cherchaient, ils aperçoivent une rangée de palmiers traversée par un petit cours d’eau. Un sourire illumine leur visage. Mais… ah ! comme ce monde est parfois bien cruel, il semble prendre un malin plaisir à donner de faux espoirs aux personnes tourmentées afin de les enfoncer encore plus profondément dans leur détresse.

L’eau coule effectivement dans le désert, pas au milieu des palmiers, mais sur les joues des hommes qui viennent de s’apercevoir que leur oasis n’est rien d’autre qu’une illusion. Les mirages sont courants dans le désert. En prenant les aventuriers par surprise, ils mettent à mal la carapace que ces braves ont mis de longs mois à forger autour de leur cœur. Une fois que les derniers remparts de l’âme se sont effondrés, un ennemi bien plus perfide et plus redoutable que les mirages fait son apparition. Les djinns. Contrairement aux mirages, ils ne dupent pas les sens de l’homme ; invisibles, ces mauvais génies préfèrent s’attaquer directement à son esprit. Lorsque leurs voix résonnent au plus profond de notre être, elle fait naître un doute qui se transforme rapidement en désespoir. Le mystère de l’esprit humain entre une fois encore en jeu, et ces hommes qui, quelques instants auparavant, couraient à travers les dunes aussi librement que le vent semblent être devenus aussi lourds que des pierres. Leur force vitale s’est évanouie aussi vite qu’un mirage. La soif, la chaleur et la douleur resurgissent de plus belle. Se faisant passer pour leur propre voix intérieure, les djinns murmurent alors aux hommes : « Vous ne sortirez jamais vivants de cet enfer, pourquoi continuer d’avancer inutilement ? Rebroussez chemin et rentrez dans votre village. »

Nicolas Chauvat dans Surmonter les incertitudes: les enseignements du désert

Une pièce musicale de America – A Horse With No Name

Les paroles en français sur https://www.lacoccinelle.net/251567-america-a-horse-with-no-name.html

Laisser un commentaire