Sensation

Qui n’a pas connu ces stations d’été, la nuit, sous la treille, alors que les champs s’ouvrent devant vous, surtout quand la lune est absente, ne sait rien des mystérieux pouvoirs de la campagne. Car c’est bien moins la vie invisible et brûlante qui l’anime que le silence dont elle est secrètement l’empire qui vous offre ses sortilèges. Malgré l’appel de la chouette, les graves conseils du crapaud, l’innocente modulation des grenouilles humides, l’immense et infatigable frémissement des insectes sombres, enivrés de chaleur, au ras du sol, le silence finit par s’imposer. L’excès des vibrations nous rend insensibles à leurs ondes. Pour peu qu’on se taise soi-même (mais qu’on se taise au fond de soi), qu’on demeure immobile et sans pensées ni songes, on se perd hors des lieux sonores, on n’entend plus rien de ce qui s’y forme de murmures, de voix, de bruits, de faux silences, et on entre dans un autre monde où tout a un sens différent, où pour mieux dire, il ne reste qu’un sens encore perceptible, celui d’être, et seulement d’être. C’est le seul par lequel on atteigne au silence.

Ni mes parents, ni moi à plus forte raison, n’en pouvions raisonner ainsi, heureusement, mais nous y accédions sans le savoir. Aujourd’hui je m’en rends compte. Ce qui fait qu’aujourd’hui, je n’y accède guère, sauf par coup de bonne fortune. Je prétends connaître les dons, la nature de ce silence.

Alors, je n’en connaissais rien, pas même que j’en jouissais, mais j’en jouissais…

*

Ce qu’on doit être, on l’est. On l’est avant le fruit, avant la fleur, avant même la graine close.

Henri Bosco dans Un oubli moins profond

Une pièce musicale de Robert Charlebois – Sensation

Les paroles sur https://genius.com/Robert-charlebois-sensations-lyrics

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