Méditer à coeur ouvert

Méditer à cœur ouvert permet en effet de regarder autrement tout ce qui nous entoure. Lorsque nous regardons une pierre, une fleur, un arbre, un papillon, une fourmi, un être humain, nous les regardons avec une attention aimante. Les poètes sont de grands méditants, car ils savent justement regarder les choses les plus ordinaires avec un regard neuf, émerveillé, attentif au petit détail qui nous échappe. Chaque texte de Christian Bobin, pour prendre un poète contemporain que j’aime particulièrement, est le fruit d’une méditation profonde et aimante sur un petit rien. Ses mots me bouleversent, car ils me font regarder ces petits riens – un pissenlit, le sourire fatigué d’une vieille femme, un nuage, une balançoire – avec acuité et tendresse. On pourrait dire la même chose de certaines peintures, notamment les natures mortes, qui nous font regarder autrement les choses les plus banales de notre quotidien. Lorsqu’il est regardé avec attention et amour, le réel n’est plus simplement regardé, il est contemplé. Méditer à cœur ouvert, c’est regarder le monde avec le regard du peintre et du poète. C’est peut-être le regarder aussi avec le regard du mystique qui voit Dieu en toutes choses. Le théologien orthodoxe Jean-Yves Leloup raconte ainsi son initiation à la méditation hésychaste :

« Il y a une trentaine d’années, au mont Athos, le père Séraphin m’a invité à apprendre à méditer, tout d’abord « comme une montagne », c’est-à-dire avec le monde minéral, puis « comme un coquelicot » avec le monde végétal, puis « comme un oiseau » avec le règne animal, ensuite « comme Abraham » avec le cœur, et enfin, ultime étape « comme Jésus ».

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Lorsque que nous expérimentons que nous ne sommes pas ce moi auquel nous sommes identifiés depuis notre enfance, mais que nous sommes une parcelle de l’univers, que nous participons à la nature divine, que notre être profond est relié à tout ce qui existe, alors toutes les peurs liées à la dualité s’évanouissent : peur de mourir, d’être abandonné ou rejeté, d’être enfermé ou dominé.

À travers la pratique assidue de la méditation, le chemin spirituel conduit donc à l’effacement de l’ego et au dévoilement du Soi qui constitue l’essence de notre être. Un sentiment de joie profonde et durable envahit alors notre être et comme le dit si bien le philosophe Spinoza, qui est aussi un véritable mystique panthéiste : « nous sentons et nous expérimentons que nous sommes éternels.

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L’identification à notre ego nous maintient dans l’illusion de la dualité.

Frédéric Lenoir (1962) est philosophe, sociologue, historien des religions, conférencier et écrivain.

Frédéric Lenoir dans Méditer à cœur ouvert

Une pièce musicale de Alexandra Stréliski – Une simple mélodie

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