
La passion explique bien des choses, mais ne justifie rien.
*
Il est étrange que, parfaitement certains de la brièveté de la vie, nous prenions tant à cœur les intérêts qui s’y rapportent. Quelle est cette activité, ce mouvement, à l’entour de places et de richesses dont nous aurons si peu de temps à jouir ? Et ces pleurs sur des morts chéris que nous irons rejoindre demain ? L’homme sait tout cela, et cependant il s’agite, il s’inquiète, il s’afflige, comme si la fin de ces empressements et de ces larmes n’était pas prochaine, et nulle philosophie ne peut lui donner sur toutes choses l’indifférence qui convient à un condamné à mort sans espoir ni recours.
*
La musique me remue jusqu’en mes dernières profondeurs. Les regrets, les douleurs, les tristesses qui s’y étaient déposés en couches tranquilles par le simple effet de la raison et du temps s’agitent et remontent à la surface. Cette vase précieuse une fois remuée, je vois reparaître au jour tous les débris de mon cœur.
*
À force d’intelligence et de culture nous ne pouvons qu’essayer de ressaisir les émotions des chantres primitifs. Les premiers hommes ignoraient combien ils étaient poètes : nous seuls le savons, parce que nous ne le sommes plus. Ils ne se distinguaient par de leurs sensations. Ces vibrations résonnent encore à travers les âges. Comme à la musique, nous leur prêtons tout ce que nos propres sentiments nous suggèrent.
*
Il y a chez chacun de nous, surtout dans la jeunesse, quelque chose qui chante. La plupart des hommes ne se rendent pas compte de cette musique vague et fugitive ; le poète seul arrête au passage les divins accents.
Louise-Victorine Ackermann (1813-1890), née Louise-Victorine Choquet était une poétesse française.
Louise Ackermann dans Pensées d’une solitaire: précédées de fragments inédits
Une pièce musicale de Jesse Cook – Broken Moon
