Spiritualité – De quoi s’agit-il ?

Le dessein de toute spiritualité est de nous rapprocher de l’absolu. Cet aspect n’est pas spécifique à Swâmi Prajnânpad. En revanche, c’est par son positionnement vis-à-vis de la manifestation que celui-ci se révèle original et contemporain. Pour un chercheur engagé sur une voie spirituelle, il peut être tentant de penser : « Puisque la fascination pour la manifestation est ce qui me coupe de l’absolu, autant essayer de m’en désengager. » C’est ce que conseille Platon : « Tâcher de fuir au plus vite de ce monde dans l’autre [le monde divin]. Or, fuir ainsi, c’est se rendre semblable à Dieu. » Mais Swâmi Prajnânpad proposait plutôt : ne fuyez pas, ne vous donnez aucune échappatoire ; puisque vous vivez dans la manifestation, allez jusqu’au bout de cette manifestation et prenez tout.

Au bord d’une rivière, nous avons le choix entre entrer dans l’eau, ou rester sur la rive. Qui est « un avec » l’eau, celui qui se baigne, ou celui qui reste sur le bord ?

Prenons quelques exemples. En Inde, on parle de l’état sans désir. La recherche spirituelle passera nécessairement par une mise en ordre de la multiplicité des désirs. Mais comment s’y prendre ? Il y a quelques années, lors d’un séjour chez le maître indien Chandra Swâmi, je l’ai entendu répondre à une question qui lui était posée sur ce thème : « Si le désir de Dieu est plus fort que tous les autres désirs, il n’y a plus de problème avec le désir. » C’est une réponse classique en Inde, mais quel profit peut en retirer celui dont le désir de Dieu est loin d’être aussi ardent ? Face à une question de ce type, Swâmi Prajnânpad aurait pu répondre : « Le problème n’est pas que vous ayez des désirs, mais que vous ne sachiez pas ce que sont les désirs. Vous n’êtes même pas allé au bout de votre désir. » Qui sait vraiment ce que signifie désirer ? Qui sait être actif pour réaliser un désir ? Qui sait goûter le plaisir qu’apporte sa réalisation et goûter la souffrance qu’engendre sa non-réalisation ? Et goûter même l’insatisfaction qui persiste lorsque le désir se réalise car au fond, aucun désir réalisé ne peut nous satisfaire pleinement ?

Comme le désir, la sexualité est un terrain propice à la mise en pratique. À celui qui ne s’engageait pas sur une voie monastique et ne renonçait pas à la sexualité, Swâmi Prajnânpad aurait pu dire : le problème n’est pas que vous fassiez l’amour, mais que vous n’en ayez qu’une expérience pauvre et limitée. Qui d’entre vous peut prétendre : je sais ce que faire l’amour représente comme expérience d’abandon, de confiance, de lâcher-prise ?

Arnaud Desjardins (1925-2011) est un maître spirituel français, il a suivi de nombreux enseignements dont au sein de groupes Gurdjieff. Sa pensée s’inscrit dans le cadre d’une tradition spirituelle transmise par son maître, Swami Prajnanpad, avec qui il s’engagera après avoir rencontré et filmé des sages de plusieurs traditions. Il se dit garant de la tradition de l’Adhyatma yoga, branche de l’Advaïta védanta.

Arnaud Desjardins et Emmanuel Desjardins dans Spiritualité – De quoi s’agit-il ?

Une pièce musicale de Jean-Luc Ponty – The Art of Happiness

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