Ego/estime de soi

L’ego ne fait pas partie du vocabulaire courant de la psychologie, on parle plutôt d’«estime de soi», qui définit l’ensemble des façons de se regarder, de se juger, de se considérer, de se traiter. Pour ma part, je décrirais volontiers l’ego comme l’ensemble des attachements à soi, à sa propre image, et j’aimerais parler de ses pathologies et de toutes leurs conséquences. On sait, par de nombreuses études, que l’estime de soi est profondément influencée par toutes les relations sociales. Au fond, beaucoup de chercheurs considèrent que la valeur que l’on s’accorde est très fortement, pour ne pas dire quasi exclusivement, constituée du sentiment qu’on a d’être estimé par les autres. Autrement dit, c’est le regard des autres qui conditionne la qualité du regard qu’on porte sur soi-même et qui reflète en réalité la manière dont on se voit dans les yeux des autres.

Je conclurai par deux points : l’ego est un mal nécessaire, comme un véhicule de location. Nous avons besoin de lui pour traverser la vie, tout comme nous avons besoin d’un moyen de locomotion pour nous déplacer d’un point à un autre – sauf si l’on est un ermite ou un contemplatif qui ne bouge pas de son monastère, et trouve peut-être que se débarrasser complètement de son ego est plus simple. Sur les routes de la vie, il y a des véhicules plus polluants que d’autres : de gros quatre-quatre qui consomment beaucoup d’essence, qui veulent qu’on les regarde et qu’on les laisse passer, et à l’autre extrême, des petits vélos qui ne polluent pas et ne font pas de bruit. Il me semble qu’on ne peut pas se débarrasser de l’ego, le balancer par la fenêtre, mais qu’on peut juste s’assurer qu’il ne soit pas trop polluant pour les autres, pas trop coûteux pour nous (en énergie, en soins, en entretien…)- Second point : on ne peut pas espérer se débarrasser de l’ego en le méprisant. Chez les patients qui souffrent de manque d’estime de soi, la solution n’est pas de continuer à se mépriser : souvent, ils sont à la fois obsédés par eux- mêmes et irrités contre eux-mêmes. On en revient à cette différence capitale entre détachement et non- attachement : l’idée n’est pas de se détacher de l’ego de façon obsessionnelle, mais nos efforts doivent nous porter vers le non-attachement à l’ego. Christophe André

Christophe André est médecin psychiatre dans le service Hospitalo-Universitaire de l’hôpital Sainte-Anne à Paris, spécialiste de la psychologie positive.

Un moine, un philosophe, un psychiatre. Ils sont amis et, ensemble, ils ont écrit deux livres pour nous aider à vivre mieux : Trois Amis en quête de sagesse et A nous la liberté ! . L’idée de cet Abécédaire est d’en extraire la substantifique moelle sous forme de petits textes très accessibles, depuis « A » comme « Acceptation » , jusqu’à « Z » comme « Zen » . De nouveaux thèmes ont été ajoutés – vulnérabilité, solidarité, résilience, etc. – comme autant de repères pour cheminer en ces temps incertains. Chacun des auteurs a choisi les mots qui lui sont chers pour confier sa vision, son expérience, les efforts à entreprendre pour être plus cohérent, plus à l’écoute, plus altruiste, plus heureux.

Christophe André, Alexandre Jollien et Matthieu Ricard dans Abécédaire de la Sagesse

Une pièce musicale de Kham Meslien – Ta confiance