Maître Dogen

Quand vous avez pris la posture correcte, respirez profondément une fois, inspirez et expirez. Inclinez votre corps de droite et de gauche ; et immobilisez-vous dans une position assise stable. Pensez à ne pas penser. Comment pense-t-on à ne pas penser ? Non-pensée (hishiryo). Cela en soi est l’art essentiel du zazen.

Le zazen dont je parle n’est pas l’apprentissage de la méditation, il n’est rien d’autre que le dharma de paix et de bonheur, la pratique-réalisation d’un éveil parfait. Zazen est la manifestation de l’ultime réalité. Les pièges et les filets ne peuvent jamais l’atteindre. Une fois que vous avez saisi son cœur, vous êtes semblable au dragon quand il entre dans l’eau et semblable au tigre quand il pénètre dans la forêt. Car il faut savoir qu’à ce moment précis, le vrai dharma se manifeste et que dès le début on écarte le relâchement physique et mental et la distraction.

Quand vous vous relevez, remuez doucement et sans hâte, calmement et délibérément. Ne vous relevez pas subitement ou brusquement. Quand on jette un regard sur le passé, on s’aperçoit que la transcendance à la fois de l’éveil et du non-éveil, que mourir assis ou debout, ont toujours dépendu de la vigueur du zazen.

En outre, l’ouverture à l’éveil dans l’occasion fournie par un doigt, une bannière, une aiguille, un maillet, l’accomplissement de la réalisation grâce à un chasse-mouches, un poing, un bâton, un cri, tout cela ne peut être saisi entièrement par la pensée dualiste de l’homme. En vérité, cela ne peut pas davantage être connu mieux par l’exercice de pouvoirs surnaturels. Cela est au-delà de ce que l’homme entend et voit – n’est-ce pas un principe antérieur aux connaissances et aux perceptions ?

Cela dit, il importe peu qu’on soit intelligent ou non. Il n’y a pas de différence entre le sot et l’avisé. Quand on concentre son effort d’un seul esprit, cela en soi, c’est négocier la Voie. La pratique-réalisation est pure par nature. Avancer est une affaire de quotidienneté.

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Vous avez eu la chance unique de prendre forme humaine. Ne perdez pas votre temps. Vous apportez votre contribution à l’œuvre essentielle de la Voie de Bouddha. Qui prendrait un plaisir vain à la flamme jaillie du silex ? Forme et substance sont comme la rosée sur l’herbe, la destinée semblable à un éclair – évanouies en un instant.

Eihei Dōgen, Dōgen Kigen, soit Dōgen rare mystère ou maître zen Dōgen (1200-1253) est un grand maître de l’école Sōtō du bouddhisme zen, qu’il introduisit au Japon depuis la Chine. Pour décrire ce livre : Lorsque l’on convoite un trésor et que ce trésor est une femme, on ne pense pas qu’on est incapable de le faire sien. De même, pour rechercher la Loi, il faut faire preuve d’une détermination inébranlable. Quand il en est ainsi, les herbes et les arbres, les pierres et les murs vous font don de la vraie Loi. Tel est le principe de la Voie qu’il ne faut jamais oublier. Pour plonger au cœur de la pratique du zen.

Maître Dogen dans Le Trésor du zen – L’Autre Rive

Une pièce musicale de Peter Gabriel – ACROSS THE RIVER