Par l’amour de la vie

Le chemin va d’abord nous demander de ne plus nous crisper sur cette crispation que nous sommes en tant qu’ego. Eh bien oui, pour l’instant notre réalité est celle de l’ego et donc de la crispation. Comment accepter cet état de fait et, par là même, commencer à se détendre ? Il y a là un enjeu capital. En effet, refuser l’ego revient à se refuser soi-même. C’est l’une des caractéristiques de l’ego que d’être capable de se refuser lui-même, totalement ou en partie. Or le refus de soi-même a ceci de grave qu’il empêche toute réelle ouverture intérieure, bloque le mouvement de la Vie en nous, lequel va, naturellement, vers la transformation. Je soupçonne ce phénomène d’être la cause de cette persistante stérilité que connaissent parfois depuis fort longtemps, beaucoup de personnes qui se veulent engagées sur le chemin. Tant que nous considérons notre propre ego comme l’ennemi à abattre, tant que nous nous refuserons nous-mêmes au nom du chemin spirituel, sous prétexte de perfection et de sainteté, nous n’aboutirons qu’à davantage de crispation… De ce fait nous perpétuons notre handicap de fond par rapport à cet état d’ouverture totale qu’est la libération.

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Ce qui apparaît souffrance est fécondité, ce qui apparaît mort est renaissance. Si nous voulons vraiment changer, nous ne pouvons faire l’économie d’une réflexion à ce niveau-là. Sinon, nous en resterons toujours à une vision étriquée qui ne nous aidera pas à dépasser nos limites. Le pire qui puisse finalement nous arriver n’est pas d’être confronté à des difficultés; c’est de nous fermer lorsque ça fait mal.

Je vous en prie, faites bien attention à cet aspect du chemin, prenez garde de ne pas vous replier sur votre refus lorsque la souffrance vous paraît intolérable. Je pense à une belle prière que nous pourrions tous faire à la Vie, et qui serait en tout cas l’expression d’une maturité : « Aidez-moi à ne pas me refermer lorsque ça fera mal. » S’il y a une demande à faire, c’est bien celle-là : « Aidez-moi à vivre intensément la souffrance, à en faire vraiment l’expérience et à bien voir pourquoi cela m’est donné ».

Cette prière est une demande de vivant, alors que la fermeture procède de la mort.

André Rochette dans Par l’amour de la vie

Une pièce musicale de Peter Kater – Wings of love