Une femme innombrable

Sarah disait : « Ne manque jamais d’imagination Myriam, sinon tu ne verras que des corps qui s’attirent et se repoussent, des machines désirantes qui s’imbriquent ou se cassent : le quotidien de toutes les guerres. Si tu manques d’imagination tu ne verras jamais les corps qui scintillent, la lumière bleue qui baigne ta couche, le grand rire qui déborde de tes yeux.

Tu ne verras jamais les âmes qui se rencontrent, les anges qui se penchent, et Dieu, l’immense plaisir, qui trône là, au milieu.

L’amour, comme toutes les grandes réalités, n’existe pas, c’est à toi de le créer.

La vie n’a pas de sens, c’est à toi de lui en donner un.

Nous sommes sur terre pour cela, nous nous aimons pour que la vie ne soit pas absurde et pour que la mort n’ait pas le dernier mot.

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Nous aimons si peu ou si mal, avec une moitié ou un quart de nous-mêmes et nous aimons chez l’autre quelques morceaux choisis, les plus connus, ceux qui font le moins peur. C’est si rare d’aimer quelqu’un entièrement, ce qui nous plaît et ce qui ne nous plaît pas, c’est si rare d’être aimé entièrement avec nos creux d’ombre, nos torses de lumière.

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Le corps est un mystère et tu es la gardienne et la révélation de ce mystère. Chaque être humain a plusieurs corps mais la plupart du temps nous ne fréquentons que les plus épais, nous ignorons l’étreinte de nos corps subtils, de nos corps de diamant… Tandis que tes doigts éveillent des zones plus sensibles, n’oublie pas de chanter ou plutôt de murmurer, chaque organe répond à un chant, à un son.

Le corps est une partition à déchiffrer, une musique à entendre et tu l’entends si tu l’appelles, chaque partie du corps a une intelligence et un nom propres qu’il faut harmoniser avec le tout : n’oublie pas les océans qui t’entourent, les étoiles qui te regardent, les animaux qui t’adorent. Ce ne sont pas seulement un homme et une femme qui vont se rencontrer, mais deux univers.

Jean-Yves Leloup dans Une femme innombrable

Une pièce musicale de Omar Faruk Tekbilek – I Love You