Les yeux ouverts

Le seul but de la vie humaine est d’aimer de manière si totale que l’on arrive à voir tous comme un. Tout enseignement qui ne réunit pas l’homme à l’homme mais qui, au contraire, essaye de garder les hommes séparés est faux. Tous les hommes sont pareils, les distinctions de castes, de fortunes, etc. ne sont pas discernables tant qu’on ne les proclame pas. Établir de telles distinctions est l’œuvre perverse d’un intellect trompeur. Serrer chacun contre son cœur comme s’il était un membre de sa propre famille, cela seul est digne de l’homme.

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Qu’est-ce qui rend l’esprit stable et joyeux? C’est se détourner de ce qui est extérieur. Le plaisir vient des objets extérieurs, c’est pourquoi il est accompagné par la peine et l’inconfort. Ananda (la félicité) vient de l’intérieur, c’est pourquoi elle est stable et naturelle. ce qui est naturel est svastha. De ce svastha vient svasthya (la santé) : santé physique, santé mentale et ainsi de suite.

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À la racine de toute espèce de vikâra (émotion, agitation) se trouve le « moi ». Étant confiné à l’intérieur des limites de mon corps, tout ce qui se trouve à l’extérieur, je le considère comme étranger : vous, lui, ceci, cela. La peur, qui prend possession de moi, que tout ce qui m’est étranger et qui est toujours présent va m’attaquer ou immanquablement ma créer des difficultés. Tant que ce sentiment de « l’existence de quelque chose d’étranger » subsiste, vous restez confronté au malheur, à la peur, au chagrin, à la souffrance et à la mort. Vous emploierez toutes vos forces à défendre ce « moi » comme si ce « moi » était une entité qui allait exister toujours. Alors ? Il n’y a rien d’autre à faire que de se rendre libre de ce « moi », de ce petit « moi » limité. Vous n’avez qu’à élargir et développer ce « moi ». Si vous ne pouvez le faire qu’en cultivant ce sens du « moi », pourquoi n’avoir qu’un « moi » tout petit ? Pourquoi ne pas l’élargir jusqu’à ce qu’il comprenne tout et n’exclue rien ? Il n’y a rien d’autre à faire. »

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La vie est un courant qui avance sans obstacle ni interruption, sans s’arrêter nulle part. S’il est arrêté en un point quelconque, il en résulte une confusion totale.

Swami Prajnanpad (1891-1974) est un grand maître indien connu notamment pour avoir été le maître spirituel d’Arnaud Desjardins (1925-2011) et de Daniel Roumanoff (1936).

Swami Prajnanpad dans Les yeux ouverts

Une pièce musicale de Anoushka Shankar – Daydreaming feat. Nils Frahm