Ma vie avec Mozart

Il faut tant de temps pour être simple.

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L’optimiste et le pessimiste partent d’un constat identique : la douleur, le mal, la brièveté de nos jours. Tandis que le pessimiste consent à la mollesse, se rend complice du négatif, se noie sans résister, l’optimiste, par un coup de reins énergique, tente d’émerger, cherchant le chemin du salut.

Non seulement je ne perçois pas l’intérêt pratique de la tristesse, mais je n’ai jamais compris l’intérêt philosophique du pessimisme. Pourquoi soupirer si l’on a la force de sourire?

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Revenu ici, j’ai dû écouter plusieurs fois ton Concerto pour clarinette dans le but de mieux comprendre.

Accepter l’inévitable tristesse. Consentir au tragique de l’existence. Ne pas se raidir contre la vie en la niant. Cesser de la rêver autre qu’elle n’est. Épouser la réalité. Quelle qu’elle soit.

Tu m’offres la sagesse de dire « oui ». Étrange, ce « oui », alors que mon siècle, ma formation intellectuelle, nos idéologies me donnent l’illusion d’être fort en opposant un « NON ».

Ce soir, je me suis pardonné.

Pardonné de ne pas avoir le pouvoir de changer l’univers. Pardonné de ne pas savoir rivaliser avec la nature quand elle nous détruit. Pardonné de n’avoir comme arme que ma seule compassion.

Ce soir, je me suis pardonné d’être un homme

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La musique panse notre inquiétude fondamentale : que faisons-nous sur terre, avec ce corps friable et cette pensée bornée? Apaisante, tout entière dévouée à la célébration de l’être, elle nous arrache à la tentation du vide et nous remet sur le chemin de la vie.

Comment devenir soi-même, accepter la mort, reconnaître le bonheur au passage ? Pour l’auteur d’Oscar et la dame rose, Mozart est la clé qui ouvre toutes les portes, celles de la passion ou de l’amour universel, de la liberté et de l’esprit d’enfance.

Éric-Emmanuel Schmitt dans Ma vie avec Mozart

Une pièce musicale de Hélène Grimaud – Mozart: Piano Concerto No. 23: II. Adagio