J’ai trouvé la vie…

Par bien des chemins et de bien des façons j’ai découvert ma sagesse : ce n’est pas par une seule échelle que j’ai atteint la hauteur d’où j’ai pu plonger mon regard dans mes lointains.

Et ce n’est que de mauvais gré que je demandais mon chemin. Cela me contrariait toujours !

Je préférais interroger et essayer les chemins moi-même.

Une tentative et une interrogation, voilà ce que fut ma marche, et en vérité il faut aussi apprendre à répondre à une telle interrogation!

Cela est mon gout: ni bon, ni mauvais, mais mon gout, dont je n’ai plus honte et que je ne cache plus.

« Or ceci est mon chemin, ou est donc le vôtre ? »

Voilà ce que je répondais à ceux qui me demandaient le chemin.

Le chemin, en effet, il n’existe pas.

Ainsi parlait Zarathoustra.

*

Il faut avoir du chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse.

*

Où j’ai trouvé de la vie, j’ai trouvé la volonté de dominer, et jusque dans la volonté du serviteur, j’ai trouvé la volonté d’être le maître.

Si le faible sert le fort, c’est qu’il y est incliné par sa volonté, qui veut à son tour se rendre maîtresse de plus faibles qu’elle; c’est le seul plaisir auquel elle ne puisse renoncer.

Et de même que l’inférieur se soumet au supérieur afin d’avoir à son tour le plaisir de régenter le plus infime, de même le plus grand de tous se dévoue à son tour et risque au jeu sa vie elle-même.

Quand le plus grand de tous périt en lice à son tour, il prend sur lui risque et péril, c’est une partie de dés avec la mort.

Et sacrifices, et services rendus, et regards amoureux, ce sont encore des manifestations du vouloir de puissance. Par des chemins détournés, le plus faible s’insinue dans la place forte et gagne jusqu’au cœur du puissant; et là il lui dérobe sa puissance.

Et voilà le secret que la vie m’a confié:

 » Vois, m’a-t-elle dit, je suis ce qui est contraint de se surmonter soi-même à l’infini. « 

*

L’un va auprès de son prochain, parce qu’il se cherche lui-même, et un autre parce qu’il aimerait se perdre. Votre mauvais amour pour vous-même fait pour vous de la solitude une prison.

Friedrich Wilhelm Nietzsche (1844-1900) fut un philologue, philosophe, poète et musicien allemand.

Friedrich Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra

Une pièce musicale de Markus Däunert – Chemin du cœur