L’immensité du monde

Vivre, c’est faire de son rêve un souvenir.

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Ce n’est pas par goût de la souffrance que j’use mes semelles mais parce que la lenteur révèle des choses cachées par la vitesse.

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Les bois : dernier endroit du monde où remontent à la surface de nos âmes perdues les vieilles terreurs et les nouveaux élans.

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Il est cependant une autre catégorie de nomades. Pour eux, ni tarentelle ni transhumance. Ils ne conduisent pas de troupeaux et n’appartiennent à aucun groupe. Ils se contentent de voyager silencieusement, pour eux-mêmes, parfois en eux-mêmes. On les croise sur les chemins de monde. Ils vont seuls, avec lenteur, sans autre but que celui d’avancer.

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Les gens imaginent que l’errant va le nez au vent. Pourtant c’est avec rigueur qu’il trace sa route. Il faut de la discipline pour ne pas céder à l’envie d’une halte. Il faut de la méthode pour gagner le rythme nomade, cette cadence nécessaire à l’avancée et qui aide le marcheur à oublier sa lenteur. Lors de mes traversées transcontinentales, je m’efforçais (.. .) de disposer toujours de la même façon mes effets au bivouac, de réciter dans le même ordre ma cargaison de poèmes… Minuscules stratagèmes qui constituent la Règle monastique du voyageur. Voyager, ce n’est pas choisir les ordres, c’est faire entrer l’ordre en soi.

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Un voyageur digne de ce nom ne peut s’intéresser à lui-même et cherche hors de soi matière à l’émerveillement. Pourquoi partir si c’est pour faire le tour de soi ? La mosaïque du monde est riche de tant de carrés, comment perdre du temps sur son misérable tas de secrets intérieurs ?

Sylvain Tesson dans Petit traité sur l’immensité du monde

Une pièce musicale de Vangelis – Prelude & Losing Sleep (Still My Heart)

Les paroles en français sur https://lyricsfrance.com/vangelis/losing-sleep/