Jamais contre, d’abord

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La vie n’est pas une entité mystérieuse qu’il faudrait conjurer et supplier. On la connaît, il n’y a qu’à regarder. Elle est au travail depuis des millions de millions d’années. Elle sait y faire. Elle combine à nouveau chaque jour la chaîne et la trame de milliards de destins. Elle est intelligente, même sa cruauté est intelligente. Il suffit de la laisser faire et c’est pourquoi quand nous nous réveillons du sentir partout à la fois, cela nous paraît si simple.

C’est le laisser faire la vie en nous et pour nous qui est difficile.

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L’identité est composée de tous les items dont peut se targuer un individu : son origine, son pays, son histoire, ses symptômes. La définition qu’il se donne en eux le rigidifie parce qu’ils sont le lieu de sa maîtrise et de sa suffisance. La singularité apparaît chaque fois que l’identité est négligée. Elle est comme le style : évidente et insaisissable. Elle suppose le risque de la solitude irrémédiable, de ce qui est estimé comme menace de mort et, bien que donnée une fois pour toutes, elle n’est appréciée que par les autres, jamais par soi. La perte, pour le patient, de son identité, qu’il ne veut pas changer, est nécessaire pour que soient abandonnés les repères habituels qui constituaient son rapport non modifié à soi, aux autres et à l’environnement et pour qu’il laisse advenir, à travers ce qui lui est donné en propre et qu’il ne peut pas changer, une nouvelle configuration de son monde.

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Sur quoi donc va-t-il prendre appui ? Sur quelque chose de certain qu’il ne puisse pas revendiquer, sur ce qui ne dépend pas de lui, sur ce qu’il possède sans en avoir la maîtrise, sur ce qu’il ne s’est pas donné, sur ce qui lui est le plus nécessaire et qu’il ne peut que recevoir : son existence en cet instant.

François Roustang dans Jamais contre, d’abord: La présence d’un corps

Une pièce musicale de Mozart interprétée par Hélène Grimaud – Piano Concerto No. 23: II. Adagio

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