Le chemin du fort

Même en droit, le condamné ne fait pas disparaître sa peine en la subissant : elle reste inscrite dans ce que l’on nomme son casier judiciaire ou son casier fiscal ; elle laisse une trace indélébile dans son cerveau : avez-vous oublié votre dernier passage au commissariat ?

En réalité, c’est le condamné lui-même qui purifie. Ce détour n’est-il pas constitutif d’une autre lâcheté, étymologique ; du latin purgare, de la même famille que purgatif, synonyme de dépuratif, qui stimule les évacuations intestinales, salutaire délivrance en d’autres termes.

Car que s’agit-il de purifier, si ce n’est l’âme du délinquant ou du criminel ?

Un peu comme on essayait de se purifier de la masturbation par les douches froides. Si l’on en juge par la croissance des productions de l’industrie pornographique, l’efficacité de la méthode est à deux doigts du zéro absolu.

Les esprits criminels sont immunisés au moins autant que les plaisirs solitaires.

Peut-être dans un avenir encore lointain saura-t-on, comme on sait désinfecter les plaies, par thérapie génique, par stimulation de la zone adéquate, purifier réellement les cerveaux du crime et de bien d’autres choses.

En attendant, c’est la société qui purge et subit, tandis que le condamné exécute pour elle. Car que dire ou que faire : aurait-il pu faire autrement ? Probablement pas. Peut-il réparer ? Aucune chance.

Dans ce cas, il reste le châtiment. Qui doit chercher la faute : on appelle cela la culpabilité, du point de vue du condamné, le châtiment existe et doit trouver la faute.

Peu importe d’ailleurs que celle-ci soit réelle ou pas, qu’il soit coupable ou innocent, puisqu’il ne peut être que coupable ; la peine satisfait une société qui veut cacher ce qu’elle ne saurait voir : derrière les murs de la prison, tout est invisible.

Gabrielle Danoux dans Le chemin du fort

Une pièce musicale de Erik Satie: Gnossiennes: No. 2 – Avec étonnement

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