Il en est de même du fait de voir quelque chose, de regarder, par exemple, une fleur. Nous ne voyons jamais une fleur dans sa réalité, car nous la regardons avec nos pensées, nos idées, nos opinions, nos connaissances botaniques. C’est alors la pensée qui regarde : c’est moins l ’œil que la pensée. Nos pensées, nos idées, nos opinions, nos jugements, notre connaissance botanique interviennent dans notre vision. Ce n’est que lorsqu’on regarde complètement une chose que l ’on a un contact direct avec elle. Mais regarder complètement exige une grande intensité tandis que la répétition de mots, de mots, ne crée aucune énergie.

*

On ne veut pas voir plus loin, on ne veut pas dépecer toute cette confusion pour comprendre, alors on s’y fait. Et lorsqu’on se fait à quoi que ce soit, à la beauté, à la souffrance, à l’anxiété, à la laideur, l’esprit devient amorphe, insensible et inattentif. Alors, dans cet état, il devient extrêmement occupé : Dieu, la religion, les distractions, le travail social, les bavardages…

L’important est d’être conscient des faits de notre existence, de nos tourments, de notre désir de posséder, de dominer, d’intervenir, de corriger, de critiquer, d’exiger. De vivre avec tout cela et de ne pas nous y habituer.

*

Il a beaucoup plu la nuit dernière, le torrent est rapide, riche, plein de sédiments. Vous ne pouvez rien y changer. Il est là qui court et vous ne pouvez que l’écouter; et plus vous l’écoutez, plus vous devenez sensibles à tous les bruits, aux rumeurs, au silence, à la solitude, à l’immensité de la vie.

*

Ainsi, vous n’aurez pas d’ordre sans liberté et vous n’aurez pas de liberté sans espace. Espace, liberté et ordre, ces trois-là vont ensemble, ils sont inséparable.

Jiddu Krishnamurti dans Renaître chaque jour : S’accorder au diapason de la vie

Une pièce musicale de Concerto Grosso for Strings « Palladio »: I. Allegretto