L’aventure, pour quoi faire ?

Le vrai dialogue n’est possible que si j’accepte préalablement l’idée que l’autre est peut-être porteur d’une vérité qui me manque.

Pierre Claverie, évêque d’Oran (1938-1996)

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Si l’on ne se méfie pas, on peut aussi bien l’arpenter pendant des mois sans y rencontrer âme qui vive vraiment, sinon des braves gens qui, comme vous, ont l’illusion de voyager parce qu’ils changent d’avion et de chambre d’hôtel. (Jean-Claude Guillebaud, « Vers l’autre et vers soi-même »).

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Ce monde qu’on tâche de traverser tout près du sol et de raconter par le menu, voilà qu’il disparaît, certaines fois, sans laisser de trace. On croit s’en approcher et on le perd de vue. Insaisissable, inaccessible, évanouit, pfuitt! Ce n’est pas un paradoxe. Mettez donc bout à bout les aéroports, les lignes de taxi, les hôtels internationaux, les ambassades de France, les bureaux de l’Agence France Presse, les postes de douane et les manuels touristiques… Tout ça vous fait désormais un quadrillage serré allant de Valparaiso à Vladivostok, de sorte que ce labyrinthe en circuit fermé recouvre la planète. Il est moins facile qu’on ne le croit de s’en évader tous les jours. Si l’on ne se méfie pas, on peut aussi bien l’arpenter pendant des mois sans y rencontrer âme qui vive vraiment, sinon des braves gens qui, comme vous, ont l’illusion de voyage parce qu’ils changent d’avion et de chambre d’hôtel.

Or ce labyrinthe-là, apatride et uniforme, est aussi loin du petit monde en chair et en os que la constellation du Centaure. Les touristes font semblant de ne pas s’en apercevoir, ce qui est excusable vu le prix des billets d’avion. Le danger vous guette donc, en permanence, de retomber prisonnier de ce dédale, ce fac-similé des atlas posé en trompe-l’œil sur tous les pays.

Sylvain Tesson dans L’aventure, pour quoi faire ?

Une pièce musicale de Vangelis interprétée par André Rieu – Conquest of Paradise

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