L’écrit vint

Au début, il avait cru fortement qu’il n’y avait qu’une seule réalité, une seule façon de voir et de la décrire, et il essayait par le travail de s’y rapprocher. Alors, il écrivait pour décrire la réalité.

Il écrivait aussi pour libérer des histoires qui germaient en lui. Alors, il savait qu’il rendait compte de l’irréel, d’un monde fantastique. Il écrivait pour rendre le plus réaliste possible ce monde irréel.

Au fil des conversations avec les autres, il constatait toutefois que les choses n’étaient pas aussi simples, qu’il avait peut-être tort.

Par exemple, dans un texte qu’il avait cru explicite sur la réalité qu’il décrivait, il constata que les personnes abordent un texte avec le prisme de leur état d’âme. Une personne qui a de la difficulté à accepter son corps n’avait pas la même lecture de certains passages qu’un athlète qui voyait son corps comme un véhicule. Une jeune mère ne décodait pas les mêmes choses qu’une personne en phase dépressive.

Le plus surprenant pour lui a été de constater que même lorsqu’il amène le lecteur sur les sentiers de l’imaginaire par ses histoires inventées de toute pièce, le résultat était le même. Même si c’est lui qui avait le contrôle sur le contenu, il était incapable d’imposer une seule lecture de ce qui est sous les yeux.

  Pour qu’il y ait une seule lecture de la réalité et une seule lecture de l’irréel, il faudrait que le lecteur puisse prendre conscience qu’il n’est pas la voix qui lit dans sa tête, cette voix-là ne fait qu’interpréter avec le prisme d’un état d’âme. Il est une narration dans une narration. Pour lire ce qui est, le lecteur doit faire un pas de côté, afin de se décaler de sa posture d’observateur-interprète à celui d’acteur qui vit pleinement. Prendre une gorgée de café et goûter, par-delà ce que l’on aime ou pas, voir un enfant marcher, par-delà les souvenirs et désirs, sans babillage de l’esprit, juste une expérience directe.

Aujourd’hui, il continue d’écrire des livres, ses essais parlent du monde réel et ses romans d’un monde irréel, et il sait que ces deux mondes coexistent. Ils sont étroitement dépendants l’un de l’autre.

Tout comme avant, il est capable d’aller dans un monde puis dans l’autre sans difficulté. La seule différence avec l’avant, c’est qu’il a appris à écrire et lire en silence.  

Une chanson de Leonard Cohen – Lover Lover Lover

Les paroles en français sur https://greatsong.net/TRADUCTION-LEONARD-COHEN,LOVER-LOVER-LOVER,54470.html

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