
Un koan zen dit : « L’être regarde la fleur, la fleur sourit. »
Se mettre à l’écoute du végétal, percevoir sa vibration à chaque fois particulière, nous porte à connaître un monde inouï où palpite le secret de la vie. Un univers s’ouvre dans la contemplation d’un arbre, d’une simple fleur, d’un paysage, qui ouvre à son tour les portes de notre perception et peut-être aussi les portes du paradis perdu. Je crois en effet que le premier sentiment mystique nous est donné grâce à la nature : qui d’entre nous ne se souvient d’un ou de plusieurs moments d’intensité au contact d’un lieu, d’un paysage, d’un biotope, où plus rien n’existe soudain que ce contact ? Le « plus que tout » se trouve dit et vécu dans le silence de l’instant. Inutile de gloser sur ce qui y est dit : dans ce fugitif moment, nous sommes simplement en rencontre directe avec le mystère et la magnificence de l’existence, de toute existence.
Marchons dans une forêt, une lande, ou au bord de la mer : si on se laisse emporter dans le tourbillon de nos pensées, on ne voit et on ne sent presque rien. Mais si, au fil de la marche, petit à petit elles se décantent et que l’eau trouble de notre conscience se clarifie, alors on commence à entendre le langage des oiseaux, à voir les infinies variations des couleurs et des ombres, à regarder les textures de la terre, du bois, des pierres et des ondes, à sentir les fragrances subtiles de l’air, à écouter les voix de ce temple vivant qu’est la nature. Et en cette osmose, qui est aussi à la base du sentiment poétique, une alchimie se fait en nous, qui nous rend meilleurs. Or, quelle grâce trouver dans un étang pollué, une forêt saccagée, un paysage éventré, une clairière devenue décharge sauvage ? Et je ne parle même pas des dangers multiples de la pollution, simplement de la beauté massacrée qu’il nous faut défendre. Créons donc notre propre jardin, certes, fût-il d’un mètre, linéaire ou carré, ou plus petit encore… Tâchons de sauver aussi, partout où cela est possible près de chez nous, ces fragments de nature qui nous restent et nous font, au sens plein, vivre.
Marc de Smedt (1946) est un éditeur, journaliste et écrivain français.
Il s’est spécialisé dans les techniques de méditation et les sagesses du monde, qu’il retranscrit et partage dans son œuvre. Dans cette réédition, revue et complétée, d’un ouvrage paru en 1993 sous le titre La Porte oubliée, l’auteur traque les dénominateurs communs de nos diverses croyances et dénonce les multiples détournements de sens, tout en définissant les principes, moraux et pratiques, d’une véritable métapsychologie moderne, accessible à tous, athées ou croyants
Marc De Smedt dans Éloge du bon sens dans la quête de sens
Une pièce musicale de Yanni In the Morning Light
