Cantique du coeur

J’ai une seule question brûlante pour traverser l’existence : « Qu’est-ce-qu’un homme ? »

Un homme qui attend son heure dans les couloirs de la mort, se pose cette question. Dans cette antichambre, il n’y a plus de mains, plus de politique, plus de philosophies, plus de religions. Il y a la solitude la plus intime. La véritable unité des hommes est fondée sur cette solitude. Ensemble c’est seul, parce que toute l’humanité a ses assises dans la conscience de chacun.

Je quitte les empilements successifs : le vacarme du mental, les gémissements de l’émotionnel et le voile de mes sensations. Mes réactions archaïques de panique et de colère me subliment.

Qui peut me confisquer ma mutation ? Seule la peur peut tout faire échouer.

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Passons tous ensemble dans une autre ère. Comme si un jour un poisson, n’ayant plus assez d’eau, s’asphyxie et mute brusquement pour trouver un autre mode respiratoire. La fin du poisson que nous sommes, ce n’est pas la mort, c’est la mutation, nous sommes « amphibiens » vers une nouvelle conscience.

Et les lois qui régissent le poisson ne sont plus celles de l’oiseau que nous devenons. C’est une autre façon d’être au monde. Un monde où les lois sont différentes et où la mort n’existe pas. C’est le corps qui fait le pont. Traversons tout l’espace intérieur capable de tout accueillir pour que l’universel, que nous devenons, corresponde à l’univers que l’on suscite.

Soyons créateurs. Contactons cette force d’une douceur qui comprend ce que nous ne comprenons pas. Personne ne peut tuer cette création.

C’est le nouveau chaînon de notre évolution pour une espèce moins tragique. Ce n’est pas la politique, ce ne sont pas les religions, ce ne sont pas nos philosophies qui vont nous sortir de là. Personne autre que notre battement de cœur. C’est notre seule réalité. Notre réel est cette mine d’or en chacun de nous.

Frédérique Lemarchand est créatrice de spectacles vivants pluridisciplinaires, dessinatrice et peintre de performances au sein de différentes structures (hôpitaux, maisons de retraite, centres éducatifs, théâtres, scènes en plein air…).

Le 11 février 2012, Frédérique Lemarchand, alors âgée de 34 ans, est morte cliniquement, quelques instants. Le temps de lui transplanter un nouveau cœur et deux poumons. S’ensuivent quarante jours de coma… puis la renaissance, comme une résurrection. Frédérique Lemarchand fait partie de ces personnes qui ont voyagé au bout de leur vie et ne sont pas passées de l’autre côté. Un voyage initiatique, quasi mystique, qui a totalement bouleversé cette artiste et sa perception des choses.

Frédérique Lemarchand dans Cantique du cœur

Une pièce musicale de Lévon Minassian – Amen hayr sourp