Transhumanisme

Pour un humain à l’ancienne, chaque « augmentation » sera perçue comme une excroissance, comme une déformation de son être. Pour un humain dispersé en une pluralité de fonctions il n’y a pas d’être à déformer, et chaque augmentation, en tant qu’elle accroît une capacité ou en ajoute une nouvelle, apparaîtra comme souhaitable.

Qu’est-ce que le transhumanisme tel qu’il se présente à nous ? Rien d’autre que le prolongement d’une logique de découpage de la vie en fonctions, chacune susceptible d’être appareillée, « augmentée » par implémentation du dispositif adéquat. On ne peut même exclure que l’évolution de l’environnement social rende de tels dispositifs nécessaires, et que des prothèses incorporées deviennent aussi indispensables à la vie en société que le sont devenues en très peu de temps ces prothèses encore détachables que sont la carte de crédit ou le téléphone portable.

Ce qui est proposé à l’individu comme une possibilité supplémentaire, propre à lui faciliter la vie, pourrait rapidement se révéler une obligation, sous peine de bannissement du monde commun. En témoigne la part grandissante, « contrainte », de la technologie dans le « budget des ménages », au détriment de l’alimentation qui s’ajuste à la baisse : le branchement au réseau se fait plus vital que la nourriture elle-même. Le transhumanisme ne cesse d’en appeler à l’imaginaire de la souveraineté individuelle, mais ne laisse présager qu’une radicalisation de l’aliénation. Il promet d’étendre les pouvoirs de l’individu mais, en réalité, il est porteur d’une exigence d’adaptation à un environnement technologique si hégémonique qu’il ne respecte même plus l’intégrité corporelle.

Olivier Rey dans Leurre et malheur du transhumanisme

Une pièce musicale de Gurdjieff / De Hartmann – The Big Seven, Canon of Seven