Enfin le royaume

Le sort de la bougie est de brûler.

Quand monte l’ultime volute de fumée,

Elle lance une invite en guise d’adieu :

« Entre deux feux sois celui qui éclaire ! »

*

Au bout de la nuit, un seuil éclairé

Nous attire encore vers son doux mystère.

Les grillons chantant l’éternel été,

Quelque part, la vie vécue reste entière.

*

Ce moment partagé, nous nous en souviendrons

Un jour, comme d’un mont par-delà les nuages,

Où tout demeure en soi et se change en son autre :

Arbre en fleur chant de source, feuille au vent papillon

*

Qui accueille s’enrichit, qui exclut s’appauvrit.

Qui élève s’élève, qui abaisse s’abaisse.

Qui oublie se délie, qui se souvient advient.

Qui vit de mort périt, qui vit de vie sur-vit.

*

Embruns, vous ne laissez nulle part

l’empreinte de votre secret;

Seules, nos lèvres gardent de vous

cette saveur de sel et de larmes.

François Cheng (1929) est un écrivain, poète et calligraphe chinois naturalisé français en 1971.

François Cheng dans Enfin le royaume

Une pièce musicale de God Is An Astronaut – Sweet Deliverance